Le comédien, vraiment, n’a rien en commun avec son personnage, qu’il décrit sans ménagement. Le juré no 10 est "un homme borné, carrément borné" explique son interprète. "C’est aussi une grande gueule sans intelligence. Il a des idées préconcues; pourtant, il change d’idée comme il change de chemise, pourvu qu’il ait raison… C’est un fasciste, vraiment", s’exclame-t-il. Qu’à cela ne tienne: si le personnage est détestable, "Douze hommes en colère est une pièce très importante du répertoire américain, qui remue bien des opinions". Ainsi, Pallascio confie "J’ai accepté tout de suite: ça me tentait de défendre cette pièce-là", pour la grandeur de ce texte, et pour la qualité de la distribution réunie pour cette "belle aventure".
Douze hommes en colère, dont on se rappelle la version cinématographique réalisée en 1957 par Sidney Lumet, suit les délibérations d’un jury à l’issue du procès pour parricide d’un jeune homme de 18 ans issu des quartiers pauvres de New York, ville où se déroule l’action en 1953. Par un jour de canicule étouffante sont réunis ces 12 hommes qui ne se connaissent pas – et ne sont d’ailleurs jamais nommés que par leur numéro – pour décider de la vie ou de la mort de l’accusé.
Le jury devant absolument rendre un verdict unanime, la pièce s’ouvre sur un huis clos au cours duquel s’affronteront ces hommes. Si, pour la majorité, la cause est limpide et la culpabilité évidente, le juré no 8 (Jacques Baril), d’entrée de jeu, vote non-coupable, exaspérant du coup l’ensemble de ses collègues pressés, qui par un travail à finir, qui par une partie de baseball à voir… Se fondant sur la nécessité de reconnaître la culpabilité "hors de tout doute raisonnable", le juré no 8, par sa ténacité et son indépendance d’esprit, oblige tous ces hommes à rester enfermés et à débattre d’un cas qui semblait pourtant réglé. On discute, on s’impatiente, on en vient presque aux coups.
"\Le sujet de cette pièce est beaucoup plus profond que de déterminer si ce p’tit gars-là est coupable ou non, rappelle le comédien. Le plus important, c’est de montrer la réaction de 12 personnages différents, inspirés de la vie de tous les jours." Portrait d’une certaine Amérique, qu’on rêverait bien loin de nous alors qu’avec horreur on assiste à la montée de la droite et de la popularité d’un certain M. Day, cette pièce, véritable suspense judiciaire, prend l’allure d’un plaidoyer en faveur de l’ouverture d’esprit et de la tolérance. Car si les prétendues preuves y sont analysées et démontées une à une, ce sont les préjugés et l’égocentrisme qu’on y dissèque. Racisme, mépris, jugement hâtif et cloisonnement entre les classes sociales: c’est un "thriller" sociologique et éthique que propose Reginald Rose, avec, hélas, toujours autant d’actualité. "L’actualité, c’est ce qui fait la force de cette pièce-là" affirme d’ailleurs Aubert Pallascio.
L’auteur est ici servi par le metteur en scène Jacques Rossi et son équipe de 12 comédiens, dont plusieurs sont originaires de Québec; Raymond Bouchard, Vincent Bilodeau, Jean Dalmain, Sylvio Archambault, Jean-Bernard Hébert, Jean-Marie Moncelet. Yves Bélanger, Marcel Pomerlo, Dany Michaud et Stéfan Perrault complètent la distribution. Après un été de délibérations sur la scène du Théâtre du Vieux-Terrebonne, le jury exposera ses confrontations, soupçons et doutes en une vaste tournée au Québec qui mènera ces Douze hommes en colère jusqu’au début décembre, après 101 procès.
Les 20 et 21 septembre
À la Salle Albert-Rousseau
Voir calendrier Théâtre