Festival international de nouvelle danse : Le volet québécois
En plus d’accueillir plusieurs compagnies étrangères, le Festival de nouvelle danse est aussi une tribune de choix pour les chorégraphes québécois. Avant-goût de la programmation.
Pourquoi aller voir des chorégraphes québécois alors que l’occasion est belle en plein Festival international de consacrer temps et argent aux artistes étrangers? Justement parce que les créateurs d’ici ont une voix qui porte bien au-delà du territoire mental et géographique qui est le nôtre, et qu’il est sans doute plus aisé d’être transporté par un artiste familier vers l’ailleurs qu’il nous propose. Certains seront tentés d’aller voir tout de suite les nouvelles créations de Jean-Pierre Perreault, Hélène Blackburn et Danièle Desnoyers avant qu’elles ne soient présentées en saison. Mais d’autres chorégraphes du contingent québécois s’amènent aussi avec des propositions de voyage qui s’annoncent tout aussi fascinantes les unes que les autres.
Cette année, avec l’Afrique au confluent de tous les métissages, il aurait été insensé de ne pas inviter Zab Maboungou, une danseuse-chorégraphe-philosophe-écrivaine-professeure et pionnière de la danse africaine au Canada. Installée à Montréal depuis plus de 25 ans, Zab Maboungou n’a pas cessé, à travers ses origines franco-congolaises, de chercher cette convergence entre la voix, la musique et le rythme qui lui permettrait de déployer son univers intérieur. Incantation, une oeuvre solo créée en 1995, illustre la quête inlassable de cette artiste qui s’est faite rare sur les scènes montréalaises. De son propre aveu, elle n’a pas d’affinités avec les autres chorégraphes d’ici et se situe en marge des courants de la danse contemporaine occidentale. L’Europe peut bien avoir découvert l’Afrique comme lieu de convergence de la tradition et de la modernité, pour Zab Maboungou et sa compagnie Danse Nyata Nyata, c’est une évidence qui traverse sa démarche artistique depuis des années…
Deux autres chorégraphes feront leur entrée sur la scène du FIND et, s’il faut en croire leurs récentes créations et la réputation qui les précède, ils seront à la hauteur de l’évènement. Harold Rhéaume, fort du succès incontestable de sa pièce Les Dix Commandements, présentée à Montréal, l’automne dernier, s’amène avec Épitaphe, une nouvelle création pour sept danseurs. Celui qui a abreuvé de ses talents d’interprète de nombreux chorégraphes montréalais laisse une nouvelle fois la scène à d’autres pour nous faire partager ses interrogations de fin de millénaire. Celui qui aura 35 ans au passage de l’an 2000 s’interroge sur les empreintes que nous laisserons derrière nous. Porté par cette réflexion qui a eu une incidence sur son écriture gestuelle et chorégraphique, Harold Rhéaume se présentera au Festival avec une pièce peuplée d’images fortes…
Dominique Porte, l’autre nouvelle venue, n’a pas attendu d’être invitée au FIND pour ravir et étonner les amateurs de danse de Montréal et d’ailleurs. Marie Chouinard l’a recrutée dès son arrivée à Montréal, en 1989, et celle qui allie puissance, rapidité et précision conduit depuis, avec aplomb, sa carrière d’interprète et de chorégraphe. Mais depuis 1993, c’est un nouveau souffle qui l’anime, celui de la création. Dominique Porte a depuis signé cinq solos et une courte pièce de dix minutes pour cinq danseurs qui ont été salués par la critique. Le solo 7 gouttes et des poussières, présenté l’an dernier à l’Espace Tangente, et qui avait confirmé une vision très personnelle, sera repris cette année au FIND. La chorégraphe y démontre toute la finesse de son interprétation et sa capacité à juxtaposer avec intelligence et sensibilité des éléments comme la vidéo et … la calligraphie. Il était alors temps de se demander comment et quand Dominique Porte se confronterait aux défis de la composition dans les pièces de groupe. On attend donc avec impatience Cortex, oeuvre pour trois danseurs qu’elle présente comme une exploration du désir et de la curiosité à travers les obsessions qui nous tiraillent. Un \«risque calculé», dit-elle, qu’elle prend à bras-le-corps…
Les appréhensions et les interrogations à l’approche du troisième millénaire, Irène Stamou, comme Harold Rhéaume, n’y échappe pas. Que laisserons-nous derrière nous et qu’emporterons-nous au prochain millénaire? À ces questions d’actualité, Irène Stamou tente de répondre par ce qui l’a forgée et nourrie depuis son enfance en Grèce et à Montréal: les traditions et le sentiment d’appartenance qui l’habitent et lui manquent à la fois. Sa Mosaïque pour le millénaire, dont elle nous présentera un premier extrait, propose six tableaux avec six danseuses, autant solistes que choristes. Celle qui nous a habitués à des oeuvres de forte intensité dramatique et de grande densité physique s’est attardée cette fois aux couleurs que peuvent apporter les costumes et la présence d’un choeur. Également au programme, l’envoûtant duo Devouring muses, un des tableaux du triptyque Fugitives épiphanies qui a fortement secoué le public, l’an dernier.
Une des chorégraphes très attendues à cette 9e édition du FIND est Lynda Gaudreau et son Encyclopaedia-Document 1. Celle qui a passé le plus clair de son temps en Europe, ces dernières années, présente le premier d’une série de quatre Documents, un projet colossal qui s’échelonnera sur cinq ans, rien de moins! Aride, ce projet d’encyclopédie personnelle? Que non, répond Lynda Gaudreau, qui soutient que cette approche, bien que formaliste, lui permet de s’attarder à des questions qui la préoccupent depuis longtemps: comment donner vie à ce corps, à ces membres par une construction artificielle comme la chorégraphie? Son regard n’est pas clinique mais a plutôt l’acuité d’un architecte qui sait extraire la beauté de ses matériaux. Et puis, d’autres artistes collaboreront à ces Documents, un désir d’ouverture qui la tenaillait depuis un certain temps.
Le Carré des Lombes, de Danièle Desnoyers, revient au Festival pour la cinquième fois! Elle nous présente le fruit d’une collaboration étroite avec la conceptrice sonore Nancy Tobin: Concerto grosso pour corps et surface métallique. Derrière ce titre on ne peut moins poétique se profile une musicalité du mouvement que Danièle Desnoyers cherchait à voir émerger… en l’absence de la musique. On devrait y retrouver toute la finesse et la précision de son langage gestuel et la rigueur absolue de son travail de composition.
Qui se souvient de Suites furieuses, d’Hélène Blackburn, présenté au FIND en 1995, halète encore. C’était «la fin d’un cycle», dit la chorégraphe, et Incarnation, sa dernière oeuvre qui a voyagé déjà dans plusieurs villes européennes, mettra en lumière, cette fois, le processus de création lui-même, avec le mouvement à la source. Une oeuvre de duos qui s’annonce comme la plus lyrique de cette artiste dont le travail est traversé par l’urgence.
Et enfin, que nous réserve Jean-Pierre Perreault, celui qui a marqué toute une génération de chorégraphes? Une première mondiale, L’Exil-l’Oubli, une pièce pour 16 danseurs, qui s’annonce comme un point tournant dans sa relation avec l’espace scénique. Cette fois, le processus créateur est inversé: ce n’est plus l’espace qui commande le mouvement, c’est l’individu, le danseur qui est au centre, sans artifices scénographiques. Jean-Pierre Perreault veut, selon ses propres termes, «mettre les êtres en lumière». À voir.
Du 28 septembre au 9 octobre
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