Francine Alepin : Mouvements perpétuels
Scène

Francine Alepin : Mouvements perpétuels

Difficile de croire qu’avec La Baronne et la Truie, Francine Alepin livrait l’an dernier sa première mise en scène, tant le spectacle déployait de maîtrise formelle et témoignait d’un oeil sûr. Pour la mime et comédienne, membre permanente d’Omnibus depuis 1981, mettre en scène s’est révélé, étrangement, «très naturel».

«Jean Asselin est surtout le metteur en scène attitré des spectacles d’Omnibus. Mais les interprètes fournissent beaucoup de matériel. C’est comme si l’on écrivait le spectacle avec nos mouvements. On est obligé de se mettre en espace. Donc, j’avais l’impression de continuer à faire ce que je faisais avant, plutôt que d’essayer quelque chose de complètement différent.»

Pour La Baronne et la Truie, Francine Alepin a beaucoup travaillé en atelier avec sa complice Denise Boulanger, les deux s’échangeant jusqu’à la dernière minute les personnages, très «polarisés», de la précieuse aristocrate (Alepin) et de l’enfant sauvage (Boulanger) qu’elle recueille afin d’en faire une bonne domestique – avec l’apprentissage de tous les codes superficiels, voire hypocrites, que la belle société suppose… Repris jusqu’au 2 octobre, dans un nouveau décor d’Anick La Bissonnière (mieux adapté à la tournée), le spectacle s’est avéré l’un des plus réussis d’Omnibus, ces dernières années. Avec Le Précepteur, du même Michael MacKenzie.

Pourtant, ce texte – créé en 93 à l’Atelier du Centre national des arts d’Ottawa, avec Benoît Brière, alors tout frais émoulu de l’École nationale, dans le rôle de la truie! – n’était pas destiné au mime, même s’il laisse beaucoup d’espace aux mouvements. «C’est le défi que je trouvais intéressant: comment nous, des mimes, avec notre façon de bouger, nous pouvons traduire cette pièce différemment des comédies traditionnelles. Ça nous permet un jeu qui n’est pas réaliste. Et, paradoxalement, ce qui nous importait aussi, c’était que le texte soit à l’avant-plan. Le mouvement prend une place énorme, mais c’est vraiment une pièce de théâtre. Mais elle se prête très bien au mime, à cause de toutes les couches de sens que le texte suggère. C’est un texte tellement bien fait, fin, drôle, raffiné… On lui trouve encore de nouvelles interprétations.»

Bien sûr, au coeur de la pièce, il y a l’inévitable – et cocasse – collision nature-culture, les deux femmes finissant par s’influencer mutuellement. L’histoire culminera par un meurtre, victoire de l’instinct réprimé. MacKenzie nous montre que, sous le corset social, les pulsions animales sont plus fortes qu’on ne le croit…

En parallèle, cette pièce, située à une époque où l’invention de la photographie a obligé la peinture à se remettre en question, la libérant du réalisme, traite amplement du rapport à l’art. «Peut-être parce que le mime est un travail sur la géométrie, la ligne, sur l’espace, il se rapproche beaucoup des techniques d’arts visuels. Si l’émotion est sous-jacente, la forme est extrêmement importante. Pour La Baronne et la Truie, on s’est énormément inspirés de la peinture impressionniste. Par exemple, dans une scène, on a transposé, mais dans le mouvement, l’un des principes de l’impressionnisme, qui était de séparer les couleurs, de les juxtaposer, sans les mêler sur la palette. On a travaillé vraiment comme ces peintres, en découpant le mouvement.»

Avec la technique du mime, qui permet l’abstraction des mouvements, Francine Alepin a d’abord découvert un langage. «Le mime nous permet de faire du théâtre comme un pianiste, a ses gammes, sa musique; et non pas seulement de se fier à l’émotion.»

Jusqu’au 2 octobre
À l’Espace libre
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