La Déposition
, créée à Montréal en 1988, dans une mise en scène de Claude Poissant, est le seul texte de théâtre écrit jusqu’ici par la journaliste, chroniqueuse et auteure Hélène Pedneault. La pièce expose la confrontation entre Léna Fulvi, accusée de matricide, et l’inspecteur chargé de l’enquête. À la recherche d’une vérité qu’il pressent complexe, il se heurte à la jeune femme qui se cabre, se moque, s’esquive. "Elle fait beaucoup de diversion parce qu’elle ne veut pas qu’il s’approche de son secret et de son intimité", commente l’auteure. C’est seulement après une lente dérive à travers la colère, la dérision et la vulnérabilité qu’ils parviendront à se rejoindre.
À travers ce duel est scruté un élément fondamental de toute vie humaine, "le plus absolu de tous les rapports absolus": la relation avec la mère, pétrie à la fois d’amour et de haine. Ancrée dans la famille, "lieu de rapports obligatoires et de différences profondes", la pièce d’Hélène Pedneault, ainsi, "rejoint la tragédie antique".
"Des textes écrits il y a 2000 ans nous touchent encore aujourd’hui parce qu’on y traite de grands archétypes humains, avance Hélène Pedneault. C’est la même chose dans La Déposition: la vie, la mort, le rapport avec la mère, tous les êtres humains connaissent ça. C’est intemporel: je pense que c’est ça qui explique l’intérêt que suscite partout la pièce."
Depuis sa création, La Déposition connaît en effet un grand succès tant en Amérique qu’en Europe. Qu’elle soit jouée au Québec, ailleurs au Canada, à New York, en France, aux Pays-Bas, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, en Belgique ou en Suisse, La Déposition "donne toujours le même résultat auprès du public, la même émotion" assure l’auteure.
Cette "tragédie moderne", comment est-elle née? "Ça m’est venu un soir, en me couchant. Une image: tout à coup j’ai vu une fille qui s’expliquait devant un inspecteur de police. Ce n’était pas vraiment clair. La seule chose que j’ai été capable d’écrire, ce sont quelques notes, un peu plus tard. Mais j’ai porté cette image dans ma tête pendant des années" raconte l’auteure. Cinq ou six ans plus tard, bien que la pièce ne soit pas encore écrite, on inscrit La Déposition au programme d’un théâtre… Après la gestation, l’accouchement: "Je l’ai écrite en 10 jours. C’était prêt, mais je ne le savais pas."
Cet étonnement, Hélène Pedneault le ressent souvent. Elle décrit sa "relation très bizarre avec l’écriture": "Il y a quelque chose qui est là, qui attend. Je ne prémédite pas. À la limite, je ne sais même pas de quoi je veux parler quand je me mets au travail. Il y a quelque chose qui s’impose, et ça se passe dans l’écriture. On dirait que le sujet sort de l’écriture; c’est assez curieux… Mais j’aime beaucoup ça: ça me fait des surprises."
"Chaque personne a son mode. Dans mon cas, c’est l’écriture qui mène. Je vois une image et j’essaye de la décrire. Tout à coup, quand je tire sur le fil, on dirait qu’il y a quelque chose qui se déroule, comme quand on tire sur un store. On tire dessus, ça se dévide. C’est étrange… Mais il y a quelque chose en moi qui fait une absolue confiance à l’écriture. C’est un plaisir inouï."
Fruit de ce "travail de l’inconscient", La Déposition, surtout jouée à l’étranger depuis 1992, revient à Québec, au grand bonheur de l’auteure. À la Bordée, Patric Saucier met en scène ce "duel" dans le décor de Jean Hazel, les costumes de Marie-Chantale Vaillancourt, les éclairages de Michel Lévesque et l’environnement sonore de Jean-Marc Saumier. Sur scène se mesureront Marie Gignac, incarnant Léna Fulvi, et Denis Lamontagne dans le rôle de l’inspecteur; Marie-Ginette Guay et Marilyse Tremblay joueront le rôle des deux soeurs de l’accusée.y
Du 19 septembre au 14 octobre
Au Théâtre de la Bordée
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