L'Homme des tavernes : Bar ouvert
Scène

L’Homme des tavernes : Bar ouvert

L’auteur, metteur en scène et comédien Louis Champagne ne semble pas croire que l’homme des tavernes soit une espèce en voie de disparition. À preuve: la «tragi-comédie-country-documentaire», qu’il met en scène au Bar Fullum, réunit deux douzaines de ces braves bêtes qui n’en finissent plus de hanter la dramaturgie québécoise… Installé au coeur de ce débit de boissons de la rue Ontario Est, semblable à ceux où les personnages de Michel Tremblay «buvaient leur paye», le spectateur venu s’encanailler devant cet Homme des tavernes est en terrain connu.

Le lieu, kitsch à souhait et pourtant banal, convient parfaitement à la création-fleuve (près de quatre heures!) du Grand théâtre des hommes de Montréal. Verre à la main et cigarette au bec, le spectateur observe avec attention les 22 comédiens (21 hommes, dont plusieurs peu connus, et une seule femme) qui se meuvent entre les tables. D’entrée de jeu, il apprend qu’il assistera aux dernières heures de la vie du tenancier de l’établissement (Jacques Caron, un comédien amateur de 65 ans) qui décide de célébrer sa mort prochaine en ouvrant les portes de son commerce aux femmes et en embauchant une serveuse. Un «virage technologique», comme le nomme un habitué de la place, qui ne se fera pas sans heurts.

À l’instar des créations du Théâtre Il va sans dire, L’Homme des tavernes est une pièce festive et bavarde, bourrée de flashs intéressants et de prestations musicales entraînantes (assurées par Les Jean-Claude, des Gaspésiens qui font dans le country). Malheureusement, dans ce joyeux bordel, les situations hilarantes cèdent le pas à des moments dramatiques moins inspirés, ponctués de répliques convenues – «Ah! les hommes! Grotesques, immenses et si petits…» – presque toutes prononcées par Mathylde (Valérie Le Maire), la femme-enfant qui pénètre dans ce repaire d’hommes.

Le jeu des comédiens, et particulièrement celui de Jacques Caron, rachète cependant les lacunes du texte de Louis Champagne. Touchant d’amateurisme et rempli de bonne volonté, le fringant retraité prend progressivement de l’assurance pour (l’alcool aidant peut-être?) se déchaîner en troisième partie. Esquissant quelques pas de danse au passage, notre antihéros a l’énergie d’un jeune premier.

Ne reculant devant rien, Champagne a même eu la bonne idée de transformer la salle de bain du Bar Fullum en annexe de la scène: dès qu’un personnage y entre, ses gestes sont retransmis sur un grand écran. Qu’ils y prisent du bonheur en poudre ou viennent y pleurer, les hommes des tavernes gagnent une humanité dans ce confessionnal nouveau genre. Avec leurs confidences, leurs farces de mononc’ et leur grande complicité, ils font la preuve que ce n’est pas parce que les mâles québécois ont «un langage de peu de mots», comme le remarque Champagne, qu’ils n’ont rien à dire…

Au Bar Fullum, 2300 rue Ontario Est
Jusqu’au 2 octobre
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