Michel Monty : Dépoussiérer le passé
Le 22 mai 1948 marque une date historique pour le théâtre québécois. Ce jour-là, la première de Tit-Coq, de Gratien Gélinas, avait lieu au Monument-National. À l’époque, cette création a fait un tabac. La critique célèbre la naissance d’un «Pagnol canadien». «Gélinas a prouvé qu’au théâtre comme ailleurs, il faut que les Canadiens français se réalisent car ce serait idiot qu’un peuple comme le nôtre soit incapable d’exprimer autre chose que la personnalité des autres», rapporte-t-on dans le livre d’entretiens accordés par Gélinas à Victor-Lévy Beaulieu.
The rest is also history… Aujourd’hui, on considère Tit-Coq comme la pièce fondatrice de la dramaturgie québécoise. Dubé, Tremblay, Gauvreau, Lepage, Chaurette et les autres vont tous aller dans ce sens. Et plus personne n’ose contester le caractère distinct et la force du théâtre québécois.
«C’est un classique, et mon défi est de rendre cette pièce actuelle au (jeune) public du Théâtre Denise-Pelletier, explique le metteur en scène Michel Monty, qui va signer à partir du 29 septembre la première production d’une ouvre de Gélinas depuis la disparition de l’auteur, l’hiver dernier. «Tit-Coq est une pièce très ancrée dans son époque, poursuit Monty. Il n’est donc pas question que je la sorte de son contexte. Je veux faire un portrait du Québec des années 40, tout simplement parce qu’il est fascinant de voir d’où l’on vient. C’est comme lorsqu’on va voir nos grands-parents et que l’on regarde leur album de photos. Bien sûr, je vais porter un regard critique sur cette époque-là. Je vais dépoussiérer tout ça.
Car ce qui demeure universel, à mes yeux, c’est le phénomène d’exclusion. Il y a toujours des individus ou des groupes qui peuvent difficilement s’intégrer dans la société.»
Dans ces années-là, la société québécoise faisait corps et esprit avec la religion catholique. Pour Michel Monty, le drame de Tit-Coq et de Marie-Ange est provoqué par l’intolérance de l’Église. «Je veux montrer l’oppression de l’Église. Je suis anticlérical et anti-catholique. Je respecte la spiritualité. Mais je ne comprends pas qu’on puisse croire détenir la vérité sur Dieu. Je ne pense pas qu’on puisse évoluer, en tant qu’humanité, avec les religions.»
Au moment même où les évêques québécois refusent de s’excuser auprès des orphelins de Duplessis, le metteur en scène lance que «Tit-Coq, c’est un peu un enfant de Duplessis». Au Québec, on a un problème avec la mémoire. À l’époque, l’illégitimité d’un enfant le suivait toute sa vie; si un bâtard voulait entrer à l’église, il devait avoir une autorisation de Rome…»
Michel Monty va diriger une équipe de jeunes comédiens: Pierre Dallaire dans le rôle de Tit-Coq, le soldat bâtard qui rêve au bonheur ordinaire d’un mariage et d’une famille; Brigitte Poupart dans celui de sa bien-aimée, Marie-Ange, qui préfère la raison et le conformisme à son amour; Michel Daigle incarnera le père Désilets qui, après l’avoir accueilli, rejettera Tit-Coq en lui disant: «Toi, tu ne remettras jamais les pieds dans ma maison»; et Claude Prégent va défendre le Padre.»
Finalement, laissons le dernier mot à Gélinas qui a su le mieux résumer son ouvre dramatique: «Le théâtre, c’est pas toujours de la philosophie ni des grandes idées, mais c’est souvent de la vie toute simple, avec un peu de poésie en plus.»
Du 29 septembre au 23 octobre
Au Théâtre Denise-Pelletier
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