Fernand Rainville : La comédie humaine

The show must go on… Telle est la devise de l’industrie du divertissement. Les galas passent et se ressemblent tous. Les divas aussi, avec leurs hauts et leurs bas qui alimentent la presse à potins. Dans sa vaste entreprise d’autogratification, le milieu culturel laisse peu de place au doute, ou à la remise en question, pourtant le sel de la création.

Avec L’Humoriste, le jeune auteur Claude Champagne dépeint les coulisses de l’industrie culturelle pour mieux revoir le rôle de l’artiste dans la société. À une époque où l’humour est devenu le pain bénit du peuple québécois, l’auteur a imaginé un huis clos entre un gérant (Fernand Rainville) et son humoriste-vedette (Serge Postigo, un excellent casting) qui, un beau jour, décide de mettre un grain de sable dans l’engrenage du show-business.

Quelques heures avant sa première, Pierre Chouinard se questionne sur son métier: le milieu du spectacle, son rôle d’artiste, l’argent, le vedettariat. Il veut tout lâcher, et refuse de se présenter sur scène même si son spectacle est à guichets fermés. Burn out ou crise de diva? Pour son gérant, cette attitude est inacceptable. Avec le temps et le succès, leur relation d’amitié s’est transformée en relation d’affaires. Dans les loges, une heure avant le spectacle, le gérant tentera de convaincre son poulin de remonter sur les planches.

«\C’est rendu que l’humour prend toute la place au Québec», estime Fernand Rainville, qui signe également la mise en scène de L’Humoriste, à l’affiche de La Licorne, dès le 5 octobre. «Des politiciens aux hommes d’affaires, tout le monde veut être drôle. Les humoristes sont des animateurs-vedettes à la radio et à la télé. On leur confie des chroniques dans les journaux. Un humoriste inconnu peut remplir le Théâtre Saint-Denis du jour au lendemain; les gens n’attendent même pas de savoir si le show est bon ou pas; si on leur dit que ça va être drôle, ils se garrochent. Les humoristes sont devenus des modèles de réussite sociale au Québec.»

Fernand Rainville, dont la carrière est surtout axée depuis 15 ans sur le théâtre de création et le répertoire contemporain, se défend bien de mépriser le genre comique. «Je n’ai rien contre l’humour, dit-il. J’ai même déjà dirigé des spectacles pour l’École nationale de l’humour. Le comique peut véhiculer de grandes choses. Malheureusement, de nos jours, l’humour est anodin et rarement drôle. La majorité des humoristes parlent de leurs blondes, de leur petite vie, quand ce n’est pas carrément pipi-caca. Il n’y a pas de place pour la réflexion.

«Le paradoxe du show, poursuit Rainville, c’est qu’il s’agit d’une comédie… On ne pouvait pas faire un drame avec un tel sujet. Il y a plein de punch-lines, des archétypes de personnages, des répliques du tac au tac. Si Claude Champagne a choisi de parler d’humour, c’est pour dénoncer le système en général. L’Humoriste dépeint le combat entre la vedette et l’artiste. Un artiste s’accomplit dans son travail; alors qu’une vedette trouve sa reconnaissance dans l’opinion des autres, son ambition démesurée… Champagne aurait pu écrire une pièce semblable et l’intituler L’Acteur ou Le Metteur en scène.»

Aux côtés de Rainville et de Postigo, on trouvera aussi le comédien Yvon Roy dans le rôle du régisseur. Le quatrième personnage, selon les créateurs, c’est le public. Car la pièce interroge les goûts et les besoins du public. À qui s’adresse le comédien en montant sur scène? «C’est très here an now», dit Fernand Rainville. Ce dernier a eu le coup de foudre pour le texte de Champagne l’hiver dernier. Tellement qu’il a décidé de produire la pièce lui-même, en codiffusion avec le Théâtre La Licorne. «Personne ne va faire d’argent avec ce show-là», lance Fernand Rainville tout en souhaitant que le public vienne en grand nombre.

Bien sûr, ils espèrent que les humoristes seront nombreux dans la salle et s’amuseront en voyant les travers de leur métier. On verra bien si ces derniers ont le sens de l’humour…

Du 5 au 30 octobre
À La Licorne
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