À l’orée de tous les paysages
constitue le troisième passage de Lydia Wagerer à la série régulière de la Rotonde. Il s’agit d’un trio qu’elle danse elle-même en compagnie de Julie Bélanger, qui avait déjà participé à Deuxception en 1997, et d’Alvin Erasga Tolentino, chorégraphe et danseur de Vancouver. C’est d’ailleurs dans cette ville qu’a eu lieu la première l’été dernier.
Pour la chorégraphe originaire de Toronto, il est tout aussi important de nouer des contacts avec les artistes d’ailleurs qu’avec ceux d’autres disciplines. En plus de recruter des chorégraphes étrangers pour participer à ses Rencontres informelles au studio de la Rotonde, elle participe régulièrement à des performances en arts visuels. Elle a toujours recours à des compositeurs pour ses propres oeuvres. Cette fois-ci, elle a fait appel à Philippe Venne (Interférence sardines) et Mathieu Doyon (Motocross) qui se sont joints dès le départ au processus de création en improvisant en même temps que les danseurs.
À l’orée de tous les paysages s’inspire du Grand Nord canadien. "Des espaces immenses qui mangent l’être humain. Il y a une beauté là-dedans, dit Lydia Wagerer. Cette froideur ambiante se répercute sur les relations entre les personnages. Il y a beaucoup de solitude là-dedans, souligne-t-elle. Les danseurs se trouvent souvent seuls, comme un peu perdus ou emballés par l’atmosphère de la pièce." Wagerer souhaitait y aborder les contacts humains avec étrangeté, "d’une façon qui n’est pas humaine". Un peu comme dans l’univers de la science-fiction. Marie-Chantal Le Breton, créatrice des costumes, et Caroline Ross, éclairagiste, contribuent beaucoup à l’atmosphère.
Jeux enfantins, combats, manipulations du corps ou simple fait de bouger ensemble, les interactions entre les danseurs tiennent une place importante dans la pièce. Leur comportement sur scène reflète un peu ce qu’ils sont dans la vraie vie. Entre Lydia et Julie, les rapports sont harmonieux. "Je vois ça un peu comme deux soeurs, des fois mère et enfant. Alvin, il est à part de nous. C’est quelqu’un qui est plus à l’extérieur de la pièce, qui dirige. Lui, c’est quelqu’un qui est assez froid, qui n’embarque pas avant d’avoir réfléchi. J’ai utilisé cette énergie dans son personnage."
La chorégraphe a dû se résigner à danser dans sa pièce faute d’avoir trouvé l’interprète désirée à Québec. En plus de rechercher des gens qui ont une réelle envie de partager son travail, elle exige d’eux une solide technique et de grandes qualités d’interprétation. "Quand quelqu’un met sa main dans l’espace, il faut qu’on sente la présence de cette main deux coins de rues plus loin. Ça prend cette écoute, cette sensibilité par rapport à l’espace autour du corps. Ça prend un danseur qui a beaucoup d’imagination, un danseur qui est capable d’assumer son interprétation, de prendre les décisions par rapport à son personnage, dans la façon dont il va le vivre. Donc, ça prend de la maturité."
Bien qu’abstraites, les oeuvres de Wagerer réussissent à émouvoir par leur approche sensible du mouvement. La chorégraphe fait d’ailleurs une distinction essentielle entre la danse et les arts visuels contemporains. "On est des personnes qui dansent, on est des humains. Ça, c’est pas abstrait: le fait qu’on soit là devant le public. On est là pour partager quelque chose."
Les 5, 6 et 7 octobre
À la salle Multi
Voir calendrier Danse