

Marc Favreau : Enfant de coeur
La jeunesse du coeur, c’est l’enfance de l’art.Marc Favreau
Catherine Hébert
Photo : Léopold Brunet
Pas de doute, Marc Favreau est un artiste qui a du souffle, un créateur qui dure. Dans quelques semaines, il aura soixante-dix ans, tandis que son personnage, lui, vient de souffler ses quarante bougies. Rencontré dans son paisible appartement d’Outremont, le drôle de poète persiste et signe: Sol est loin d’avoir dit son dernier mot! C’est avec enthousiasme qu’il pose son regard espiègle dans le rétroviseur du temps. «Quarante ans de vie artistique, ça ne se résume pas. C’est une durée. Vous savez, dans ce métier de saltimbanque, les plans de carrière, ça n’existe pas. La durée, c’est même un phénomène qui est un peu… pesant. On se demande: est-ce que c’est mérité? Est-ce que tout cela a du sens?»
Du sens, le travail accompli par Marc Favreau en a assurément: qui ne connaît pas l’immense sourire, l’oeil cerné mais vif et, surtout, les jeux de mots si adroits du célèbre Sol? Pourtant, du lot, certains ne l’ont jamais vu en chair et en os, sur scène… Aussi, question de permettre à ceux qui le désirent de faire un peu de rattrapage, présentera-t-il au cours des prochaines semaines trois différents spectacles réunissant ses «classiques» des années soixante-dix et quatre-vingt. Selon son géniteur, Sol est un être éternel; un chanceux au look intemporel dont la bouille, tout comme les propos ne vieillissent pas. «Avec le maquillage, je peux créer l’illusion qu’il n’a pas d’âge. Il suffit d’être capable de le jouer comme lorsque j’avais trente-cinq ans!»
Les marques de reconnaissance et les honneurs amassés au fil des ans ne sont visiblement pas montés à la tête de Marc Favreau, qui sera cette année président d’honneur du Salon du livre de Montréal. Interrogé sur son plus beau souvenir, il choisit son passage au Festival d’Avignon (en 1977), alors qu’il était une vedette du petit écran ici et… un illustre inconnu de l’autre côté de l’océan. «J’avais un tract mo-nu-men-tal», s’exclame-t-il. Confronté à ce «Pierrot lunaire déguisé en auguste» venu d’une province où «l’on est payé pour savoir ce que parler français veut dire», un critique avait alors écrit que «les adultes, grâce à lui, se sentent intelligents». Un beau compliment… «Le succès que j’ai eu m’a ouvert la porte de l’Europe. J’y ai ensuite présenté des spectacles chaque année, ce qui me permettait de souffler un peu avant de recommencer à écrire.»
Depuis, le comédien a fait de la planète son terrain de jeu. «C’est un drôle de métier: totalement inutile et parfaitement nécessaire», confie-t-il. À l’aube du troisième millénaire, l’attitude de l’homme moderne le déçoit. «Malheureusement, nos comportements n’ont pas changés. On est toujours aussi égoïstes, outranciers, racistes, intolérants!» Inspiré par tout ce qui l’angoisse, Marc Favreau souhaite continuer à aborder «les sujets sérieux de façon dérisoire» et refuse de se laisser aller à écrire du «sous-Sol». «L’imaginaire, c’est tout ce qu’il nous reste dans ce monde super-organisé», philosophe-t-il, avant de se raviser et d’ajouter: «Avec la poésie.»
S’il est agacé par ceux qui froncent les sourcils au lieu de sourire, Marc Favreau éprouve un immense respect pour son public. «On n’a pas le droit de tromper les spectateurs. Ils sont futés, intelligents. Vous savez, rien ne les empêche de réfléchir en riant!» Il avoue avec humilité avoir, chaque soir, peur de ne pas être à la hauteur des attentes de ce public bien-aimé… Cette angoisse ne l’empêche pas d’exercer, encore, avec plaisir un métier qu’il considère comme un jeu. «Le bonheur est pour celui qui arrive à inventer sa vie», lance Marc Favreau. Et Sol prend le relais, de sa voix reconnaissable entre toutes: «C’est très important de s’amuser. La vie ne fait pas de cadeaux, et c’est pour cela qu’il faut rester emballé…»
Au Monument-National
Du 12 octobre au 20 novembre