Festival international de nouvelle danse : Un bilan positif
Scène

Festival international de nouvelle danse : Un bilan positif

La cuvée du neuvième Festival international de nouvelle danse a été bonne. Malgré les changements de salle de dernière minute, les spectateurs ont suivi nombreux. Voici donc un compte rendu des principaux événements qui ont marqué cette édition axée sur la danse africaine.

J’ai été touchée par la dernière oeuvre du Québécois Jean-Pierre Perreault, L’Exil-L’Oubli. S’étant défait de ses immenses fresques sombres, Perreault signe une danse épurée sur le plan scénique mais extrêmement fournie sur le plan de la gestuelle. Cela dit, on reconnaît sans peine la signature triste et nostalgique du maître. Si les danseurs se devaient d’improviser ici et là, cela s’est à peine vu. Peu importe, il se dégageait de ces corps dans la vingtaine comme dans la quarantaine, souvent imparfaits, une puissance dramatique et uniforme. Enfin, soulignons la musique poignante de Bertrand Chénier qui soutenait magnifiquement le travail de son complice de longue date.

Le solo X de la Hollandaise Mirjam Bos m’a aussi émue. Blonde musclée aux yeux bleux acier, cette chorégraphe-interprète, autrefois danseuse pour Harijono Roebana et Andrea Leine, a livré une oeuvre rafraîchissante et émouvante. Pourtant, rien de l’intro de X ne laissait présager une telle suite. C’est après qu’elle nous a entraînés dans une danse échevelée au cours de laquelle les mouvements se fichaient des ordres de l’esprit. Et lorsque la musique s’est tue et que la danseuse, essoufflée, s’est mise à fixer un point lointain, notre coeur a chaviré.

J’ai aussi été bouleversée par les deux solos du Sud-Africain Vincent Mantsoe. On comprend l’engouement du public pour ce chorégraphe dont le travail se situe à l’intersection de la danse zouloue, de la danse contemporaine et du théâtre: une musique qu’on écoute les yeux fermés, une interprétation magistrale et une gestuelle métissée savamment dosée.

J’ai été ébahie… Par I Was Real-Document de la compagnie japonaise Karas. Une dizaine de tableaux différents mais tous marqués par une esthétique calculée et une danse aérienne. Bien que ces tableaux n’étaient pas toujours d’intérêt égal, la séquence d’ouverture – une danseuse immobile au visage camouflé par une masse de cheveux d’ébène – et cette autre où la troupe évolue comme si elle était au fond de la mer restent des moments remarquables.

Une autre belle soirée fut celle de la chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker. Celle-ci nous a servi une oeuvre enjouée sur les airs rythmés de Drumming de l’Américain Steve Reich. Une danse ciselée comme du cristal qui multipliait les mouvements de groupe et les solos, le tout interprété par des danseurs exceptionnels. Le bonheur se lisait sur leurs visages et sur le nôtre aussi.

J’ai également été secouée, à certains moments, par Le coq est mort de Suzanne Linke. Ce pilier de la danse-théâtre allemande a réussi l’exploit de diriger des danseurs à l’énergie exubérante à l’intérieur d’une chorégraphie structurée au quart de pouce. Les plus beaux moments restent ceux où la troupe sénégalaise nous livrait une danse sensuelle et enivrante.

Dans la dernière pièce de la Québécoise Lynda Gaudreau, Encyclopeadia Document 1, les influences européennes se devinent chez cette artiste à l’oeuvre de l’autre côté de l’Atlantique depuis des années. L’utilisation de la vidéo et la collaboration de chorégraphes invités, tels que Jérôme Bell, Benoît Lachambre et Meg Stuart , réussissaient à nous tenir en alerte. En bonus, la lumière chaude de Lucie Bazzo.

J’ai aussi été agréablement surprise par Cortex de Dominique Porte. Avec ce trio, cette jeune artiste québécoise affiche une belle écriture chorégraphique. On y devine toutefois un désir encore mal défini de sortir des sentiers battus.

Enfin, j’ai bien aimé Fignito ou L’oeil crevé de la compagnie burkinabée Salia ni Seydou. Des mouvements qui faisaient la juste part entre la danse contemporaine et la danse traditionnelle africaine. Une vision douce et soyeuse de la perte d’un proche.

Et les déceptions…
Par la chorégraphie d’ouverture Pour Antigone de la Française Mathilde Monnier. On s’attendait beaucoup de cette oeuvre charnière. Une bonne partie de la pièce faisait davantage appel à notre tête qu’à notre coeur. De plus, je ne suis pas certaine que la juxtaposition de la danse contemporaine sur la danse africaine rendait justice à cette dernière.

On avait hâte de voir Historia da Duvida de la Portugaise Clara Andermatt, avec la collaboration de danseurs du Cap-Vert. Paradoxe, cette artiste a eu le don de nous irriter comme de nous fasciner. On se serait volontiers passé de son film d’introduction mais pas de ses scènes délirantes. Entre les deux, une heure d’ennui.

Finalement, Incantation d’Hélène Blackburn, ne convaint pas vraiment. Cette Québécoise signait une gestuelle drue qui avait le défaut de soutenir le même rythme pendant une heure. Il faut dire que les danseurs, plutôt moyens, n’aidaient pas sa cause.