Festival interculturel du conte : Une fois, c't'un gars…
Scène

Festival interculturel du conte : Une fois, c’t’un gars…

«Vrai comme je suis là, je m’en vais vous raconter l’histoire d’un gars…» Ne doutez jamais du pouvoir de ces paroles dans la bouche du conteur. Pouvoir jamais périmé, car aujourd’hui comme hier, le silence se fait dans l’assemblée qui ne demande pas mieux que de se laisser entraîner dans le dédale de cet imaginaire. Et d’y croire.

Après un purgatoire d’un demi-siècle (la radio et la télé l’ont chassé des chaumières), cet art connaît un formidable renouveau, comme en témoigne le Festival interculturel du conte de Montréal, rebaptisé «du Québec» cette année, parce que plusieurs régions sont de la fête. Du 22 au 31 octobre, la 5e édition donnera la parole à une cinquantaine de conteurs du Québec mais aussi d’Acadie, de France, des Antilles, d’Argentine, de Belgique et de Suisse. Marc Laberge, conteur, auteur, photographe et grand voyageur devant l’Éternel, invite les festivaliers à un petit tour du monde avec cet événement qu’il a fondé en 1993.

Sous le thème «La diversité de chacun fait la richesse de tous», le Festival met l’accent sur la particularité des cultures, en partant du gros bon sens: «Comment veux-tu qu’on se comprenne si on ne connaît pas la conception de l’univers de l’autre? lance Marc Laberge. Les conteurs racontent ce qu’ils sont, d’où ils viennent; ils parlent de leurs gens et, à travers cela, passe tout un imaginaire collectif.» C’est ainsi qu’un Nacer Khémir, grand conteur tunisien, est déjà débarqué avec, dans ses bagages, les personnages du Moyen-Orient des Mille et Une Nuits. De la grande visite… comme cette année celle de Julos Beaucarne, de Belgique, ou de Michel Hindenoch, venu d’Alsace avec sa cithare.
Au-delà de la rencontre des cultures, propre à ce Festival, le conte répond à un besoin manifeste de retrouver un peu d’humanité et de simplicité, en réaction à la communication virtuelle et aux méga-shows: «Les gens reprennent goût à un contact plus humain, à petite échelle, et au plaisir d’avoir devant soi un être humain dont on sent le souffle, la peine, la joie… La vie, quoi.» Et puis il existerait chez l’être humain un besoin fondamental de se faire raconter des histoires: «Quand on fouille pour se rappeler tout ce qu’on a appris dans nos années d’école, ce dont on se souvient, bien souvent, ce sont les histoires que le professeur racontait.»

La revalorisation du conte offre un enjeu social à ses yeux: «On a appris à laisser la parole à ceux qui la prenaient officiellement dans les médias, les experts de ceci ou de cela… Et on finit par penser qu’on n’est rien, qu’on n’a rien à dire, à raconter. Or c’est faux. Dans l’atelier sur les récits de vie que je donne dans le cadre des Belles-Soirées, à l’Université de Montréal, on part de l’hypothèse que chacun de nous a ses propres histoires à raconter; il suffit d’apprendre à interroger sa mémoire.»

Conteurs en herbe
Le «crachoir» du conteur semble d’ailleurs tenter les jeunes, si l’on en juge par le succès des Dimanches du conte au Sergent Recruteur, boulevard St-Laurent, où des conteurs en herbe viennent, chaque semaine, faire leurs premières armes. C’est là que Marc Laberge «recrute» les conteurs de la relève. Cette année, les Québécois François Lavallée et Simon Gauthier, entre autres, seront pour la première fois au Festival, ainsi que la jeune Mélancolie Motte, originaire de Belgique.

Leur inspiration, semble-t-il, ne diffère pas tellement de celle de leurs aînés. «On s’approvisionne tous sensiblement à un immense bassin, celui du patrimoine universel, qu’on se réapproprie, intériorise, avant de raconter, explique Marc Laberge. Le répertoire de chacun compte aussi des créations, des histoires personnelles.»

Qu’en est-il de l’univers hard des Contes urbains? Pas vraiment dans l’esprit du conte? «C’est plutôt dans la manière. Ce sont des comédiens qui jouent les conteurs; c’est autre chose, et c’est correct. Je pourrais très bien raconter l’histoire d’un squeegee, mais pas comme ça.» Pour des thèmes urbains, on pourra aller voir Hold-up, contes du Centre-Sud présenté par Jean-Claude Desprez (Normandie) et André Lemelin, au Saint-Sulpice, dans le cadre de la série Contes autour du globe.

Avec stages, résidences et tables rondes, ce Festival devient un rendez-vous majeur pour les artistes et spécialistes du genre. Pour le grand public, c’est une occasion unique d’aller visiter les imaginaires foisonnants des grands conteurs du monde: Lorette Andersen (Suisse), Susana Azquinezer (Argentine) ou Joby Bernabé (Martinique); et, bien sûr, des artistes d’ici: Viola Léger, Brigitte Fauchoux, d’origine bretonne, Alexis le Conteur, et bien d’autres. Plusieurs salles les reçoivent, notamment les maisons de la culture (où c’est gratuit).

On flaire une promesse d’émotions dans La Veillée des patriarches, avec le président d’honneur du Festival, Jude Le Paboul, 79 ans, patriarche du conte merveilleux; et notre patriarche à nous, Ernest Fradette, dernier conteur traditionnel. Michel Faubert, fils spirituel de monsieur Fradette, en sera également.

D’autres soirées collectives à signaler: une Carte blanche à Jocelyn Bérubé, selon la formule «veillée» où se mêleront musique et histoires; un spectacle Paroles de femmes réunissant plusieurs conteuses; et la traditionnelle Grande Nuit du conte, à Pointe-à- Callière, le 22 octobre, qui sera diffusée le même soir sur la Chaîne culturelle de la radio de Radio-Canada. Offrant un éventail d’une douzaine de conteurs, voilà une veillée bien tentante… un tour de chasse-galerie endiablé pour ouvrir le bal!

Le 5e Festival interculturel du conte
Du 22 au 31 octobre
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