Yvan Bienvenue : Chant d'amour
Scène

Yvan Bienvenue : Chant d’amour

Rares sont les auteurs qui, comme Yvan Bienvenue, peuvent résumer leur création en une seule phrase. «C’est l’histoire d’un gars qui loue un lit dans une maison en ruine, et qui se meurt d’amour pour sa logeuse. C’est tout.» Ces quelques mots énoncés, le poète à la voix éraillée fait une pause, ménageant son effet. «Le Lit de mort, c’est une histoire d’amour très douce, une oeuvre pour faire du bien.»

Chantre de la révolte et géniteur de personnages sombres, marginaux et «maganés», Yvan Bienvenue n’a pas l’habitude de raconter de jolies histoires naïves. Depuis le début des années 90, le poète nous a plutôt offert du théâtre haut en couleurs, avec des pièces électrochocs telles In Vitro, Règlement de contes et le projet des Contes urbains, en collaboration avec d’autres auteurs. On ne saute pas du drame rouge sang à la vie en rose, du fait divers au conte de fées, sans piquer la curiosité. En passant le cap de la mi-trentaine, le dramaturge hardcore aurait-il perdu son petit côté incandescent?

«Le Lit de mort, ce n’est pas une oeuvre blasphématoire, mais ce n’est pas un shift non plus, assure Yvan Bienvenue. C’est un dévoilement, en quelque sorte. C’est important pour moi que les gens sachent que j’ai écrit la première version de cette pièce en 1988, à l’École nationale de théâtre. Ce n’est pas un virage à droite! Je ne veux pas arrêter de choquer pour essayer de plaire…»

«J’ai abandonné la prétention de dire quelque chose. Je raconte une histoire, je ne fais pas de statement», poursuit le dramaturge. S’il a cette fois écrit une histoire aux accents romantiques, dans une langue exempte de jurons, Bienvenue continue d’être hanté par les mêmes démons, tels que les morts en sursis et la (difficile) condition masculine. Son Lit de mort met en scène la rencontre d’un agonisant (Christian Bégin) et de la femme qui est à la source de son mal (Catherine Sénart), sous un toit qui menace de s’effondrer. «Il s’agit d’une trame si poétique que c’en est d’une naïveté profonde.» Dans cette «histoire sans conflits» portée à la scène par Paul Lefebvre, Bienvenue offre, en arrière-plan, une réflexion sur la difficulté de se consacrer à l’écriture au quotidien. Une tâche difficile surtout pour un auteur qui a passé les quatre dernières années de sa vie à diriger le Théâtre Urbi et Orbi et la maison d’édition Dramaturges.

Fiction imaginée il y a plus de dix ans, Le Lit de mort est avant tout un poème. «Il faut voir la pièce ainsi, sinon, ce serait un mauvais mélodrame. Mon but, c’est de faire du théâtre poétique qui soit actif et fonctionnel. Avec In Vitro, j’ai fait mes gammes. Là, je tente d’atteindre l’efficacité poétique, de combiner une structure réaliste et des répliques poétiques.»

En mettant sa plume incisive au service d’une histoire d’amour toute simple entre un Roméo et sa Juliette, Yvan Bienvenue est convaincu de poser un geste audacieux. «Il faut avoir du culot pour écrire une telle pièce. Une histoire d’amour naïve entre un gars et une fille, aujourd’hui, ça n’a plus la cote. À la limite, c’est surréaliste! Malheureusement, les hétérosexuels parlent rarement de sexualité et d’émotion au théâtre.» Comptons sur lui pour nous ramener à l’essentiel…

Du 26 octobre au 20 novembre
À la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui
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