À quelle heure on meurt? : Métier à métisser
Scène

À quelle heure on meurt? : Métier à métisser

Après un atelier animé dans le cadre du Carrefour international de théâtre en 1998, le metteur en scène français GUY ALLOUCHERIE revient à Québec pour «orchestrer», au Trident, un collage de textes de RÉJEAN DUCHARME, réalisé par MARTIN  FAUCHER.

Explorant des textes d’auteurs québécois contemporains, Guy Alloucherie affirme avoir eu le coup de foudre pour cette pièce. Séduit d’emblée par cet univers fait «de choses graves et belles», il fut également ébloui par la langue de Ducharme: «Très vite, je me suis lu le texte à voix haute.» Ce collage d’extraits de romans, de pièces de théâtre et de chansons lui apparaît comme un long poème, écrit dans une langue «tellement dense, tellement libre». La pièce présente deux personnages issus de l’oeuvre de Ducharme, Mille Milles et Chateaugué. «Malades d’affection», ces personnages déchirés choisissent, pour garder leur amour pur et intact, le suicide.

Rompu au travail de création, Guy Alloucherie choisit, lors de séances de travail en juillet, de faire jouer ces deux personnages par sept comédiens (Éva Daigle, Annie La Rochelle, Maude Robillard, Marie-Claude Tremblay, Paul-Patrick Charbonneau, Éric Leblanc et Jean-Sébastien Ouellette). Cette option permet de «raconter les mille histoires contenues dans ce texte», tout en mélangeant éléments quotidiens et oniriques. Réalisme et psychologie se teintent alors d’une touche d’expressionnisme.

Cofondateur, en 1983, d’une compagnie théâtrale qui allie recherche et engagement, Guy Alloucherie crée ensuite, en 1997, la compagnie Hendrick Van Der Zee. Il installe près de Lille, sur le site d’une ancienne mine, la Fabrique 11/19, où il présente des créations tout en offrant stages et ateliers à des comédiens non professionnels. Son travail se tourne depuis ses débuts vers l’exploration d’autres arts; cette ouverture lui apparaît comme «quelque chose de vital». Musique, danse, cirque: Alloucherie cherche à explorer toutes les possibilités de l’acteur, tout en décloisonnant les genres, puisant volontiers dans ceux qu’on dit mineurs. «Je veux faire du théâtre vivant», dit-il. De plus, «pour s’ouvrir à des publics différents», il importe, pour cet artiste issu du milieu ouvrier, de «métisser» l’art théâtral, «souvent trop fermé sur sa propre sphère». Car le théâtre, pour Guy Alloucherie, remplit une fonction sociale: lieu du plaisir et de la liberté, il permet aussi de bousculer la société. Il donne également l’occasion, pour les amateurs à qui il offre des ateliers, d’explorer. «Je les invite à profiter au maximum de cet espace privilégié de liberté et d’utopie qu’offre le lieu de la répétition», confie-t-il dans une entrevue accordée au journal Le Monde, en juillet 1998.

Habitué de miser beaucoup sur les comédiens et sur l’improvisation, le metteur en scène travaille, au Trident, avec son ouverture habituelle. Partant de ses propositions, les comédiens explorent différentes possibilités et «se mettent eux-mêmes en scène», explique-t-il. À partir de ces essais s’imposent finalement des choix; ainsi se fixe la mise en scène qui se construit peu à peu, au fil des répétitions et du travail collectif. «Chaque comédien est aussi concepteur, metteur en scène, chorégraphe; les comédiens ont donné énormément», insiste ce metteur en scène pour qui la répétition est un moment intense, privilégié.

S’appuyant largement sur le mouvement, la musique (Marc Vallée) et même la danse, «sur et avec le texte», Guy Alloucherie aborde la pièce de Martin Faucher de manière toute personnelle et en propose une vision très libre. Cette audace, on s’en doute, ne déplairait pas à Ducharme lui-même.

Du 9 novembre au 4 décembre
Au Grand Théâtre
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