Critique : Celle-là
Scène

Critique : Celle-là

La mère vient de mourir. Pendant les quelques heures où son âme erre dans l’appartement avant de quitter le monde des vivants, elle revoit des tranches de sa vie. Son fils, revenu sur les lieux de son enfance, et «le vieux», voisin du dessus, revivent à cette occasion, eux aussi, des moments de leur passé, brisé par un événement tragique: «le gâchis».

Celle-là nous entraîne dans le lieu de la mémoire où se mêlent, sans transition, les époques. Par les voix de ces trois personnages qui, s’ils vivent parfois les mêmes souvenirs, sont pourtant isolés, on vogue d’une conscience à l’autre. La scénographie dépouillée (Jean Hazel) évoque différents endroits par le jeu de panneaux coulissants et de portes d’armoires; la trame sonore (Yves Dubois), alliant voix humaines et sons métalliques, suggère la rumeur de bruits confondus dans la mémoire défilante de la mère.

L’exploration du passé s’effectue sous forme de monologues qui s’entrecroisent, formant presque des dialogues, pourtant sans suite. Cet échange, un peu déroutant, étonne au départ. Mais le spectateur parvient rapidement à se glisser dans ce monde étrange, à la fois lointain et familier. Le texte se gonfle de métaphores qui éveillent un écho en chacun: images de l’enfance, de l’amour, du soleil et de l’eau; images aussi de la perte et de la solitude.

Quatre comédiens à la force étonnante (Linda Laplante, Denise Verville, Denis Lamontagne et Roland Lepage) révèlent peu à peu ces trois personnages complexes. De leur jeu presque onirique, ils défendent avec beaucoup d’émotion et de profondeur un texte à la poésie dense, pleine de sensualité. Denis Lamontagne, particulièrement touchant dans le rôle du fils, évoque la puissante imagination de l’enfance et une douleur aiguë, presque inexprimable.

Constamment présente dans le texte, et soulignée par la mise en scène de Gill Champagne, la solitude des personnages domine. Leur souffrance les a emmurés dans le silence jusqu’à l’événement ultime qui vient le briser: la mort de la mère. L’exorcisation de leur mal permettra enfin la réconciliation, et l’apaisement remplacera peu à peu leur isolement. Comme le disait Alain Françon, c’est bien à «la naissance de la parole» que nous convie, en définitive, Daniel Danis.
Jusqu’au 20 novembre
Au Théâtre Périscope