Éric Jean : Le voyage imaginaire
Scène

Éric Jean : Le voyage imaginaire

Éric Jean a visiblement de la suite dans les idées. L’action d’Ushuaia, la deuxième création de l’auteur, metteur en scène et comédien, commence pratiquement au moment où se terminait sa première pièce, en plus d’être présentée au même endroit. Cinq comédiens se glissent d’une pièce à l’autre, tandis qu’un personnage fait de même. «Il s’agit de la femme d’Arthur, le scénariste. Elle s’est querellée avec lui à la fin d’Une livre de chair, puis elle est partie en voiture avec un autre scénariste. En fait, elle passe d’un scénariste à l’autre, mais aussi d’une pièce à l’autre», dévoile le diplômé de l’UQAM, qui, entre ces deux créations, a interprété un cinéaste dans Les Laurentides, du Théâtre Kafala.

Création collective peaufinée durant trois ans avant d’être présentée la saison dernière, Une livre de chair a permis à Éric Jean et ses acolytes de faire une entrée remarquée dans le milieu théâtral. Sans en être la suite officielle, Ushuaia offre une galerie étrangement semblable de personnages énigmatiques. Et cette fois la barre lui semble plus haut. «Les comédiens ressentent plus d’insécurité. Notre première création a suscité de bonnes réactions et aujourd’hui, ceux qui ont aimé cette pièce s’attendent peut-être à retrouver quelque chose de semblable, ou de mieux. Aussi offrons-nous un spectacle qui n’est pas en rupture, mais en continuité.»

Éric Jean a bâti Ushuaia en répétition, écrivant chaque soir (avec Nathalie Cloutier) les meilleurs moments des improvisations qu’il dirigeait. «Une fois ces impros retranscrites sur papier, nous avions en main l’équivalent de six spectacles!», signale-t-il avec un large sourire. En atelier, les huit comédiens se sont aussi inspiré d’une photo étrange, dénichée dans un livre d’art. «On y voit des étagères remplies de petites boîtes, sur lesquelles il y a des photos et des dates. Il se dégage une atmosphère très particulière de cette image.» Inspirés par cette photographie troublante, ils ont imaginé des personnages («des fantasmes d’acteurs», selon Jean), et l’histoire a suivi.

L’action se déroule à Ushuaia, la cité la plus au sud du continent. Cette ville est, selon une légende racontée dans le film Happy Together, un endroit où l’on peut se libérer de ses chagrins d’amour. La pièce met en scène Marion (Johanne Lebrun), une globe-trotter qui collectionne les boîtes remplies de reliques. La quiétude de son cimetière de carton sera troublée par l’arrivée de Justine (Julie Rivard), une Québécoise larguée sur les quais de la ville. Les nouvelles amies s’amuseront à ouvrir les boîtes pour faire revivre les morts. Éric Jean est particulièrement fier de l’accent que Johanne Lebrun a concocté pour l’occasion. «Lors d’une improvisation, je lui ai demandé de jouer un être déprimé, parlant très très fort. Ça a donné un accent indéfinissable très intéressant.»

Pas étonnant que Marion s’exprime d’une façon fantaisiste et converse avec des fantômes: Éric Jean se définit comme un romantique ayant un faible pour le surréalisme. «J’aime ça quand le rêve prend beaucoup de place dans une pièce. Et le surréalisme est directement lié au rêve…» Pour la deuxième fois en moins d’un an, le jeune créateur dévoile ses obsessions (exil, voyage et conflits amoureux) tout en laissant la fantaisie guider sa démarche créatrice. «Pour moi, un show de théâtre, c’est un grand tour de magie. Je veux parsemer mon travail de moments de surprise. Ce que j’apprécie le plus dans la mise en scène, c’est d’avoir l’impression d’inventer…»

À la salle Fred-Barry

Du 5 au 21 novembre

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