La Fiction du désir (Étude 2) : Sexe et confidences
Scène

La Fiction du désir (Étude 2) : Sexe et confidences

Chez Manon Oligny, deux bonnes années se sont écoulées depuis la création de la première pièce de sa trilogie portant sur la séduction et les rapports entre les hommes et les femmes. Dans Étude 1, sa danse présentait le corps comme un objet de consommation. Dans La Fiction du désir (Étude 2), au programme de Tangente ce week-end, la chorégraphe s’attarde aux mécanismes tortueux du désir sexuel. Ce laps de temps lui fut bénéfique: son travail chorégraphique a évolué d’un pas de géant. Sa danse-théâtre s’est davantage affermie, sa structure chorégraphique, épurée et son esthétisme, défini.

La chorégraphe confiait en entrevue qu’elle ne s’était jamais autant commise dans une création. Pour la préparation des deux dernières pièces de sa trilogie, elle a rencontré des artistes français qui se sont interrogés sur le désir sexuel à travers leur œuvre. Ces rencontres n’ont pas été vaines: il se dégage des trois tableaux qui composent Étude 2 une sensualité absente de la précédente pièce. Manon Oligny aborde des thèmes qui trouvent écho chez le spectateur comme le pouvoir caché dans les jeux sexuels, la recherche de l’amour idéal, l’amour comptabilisé, etc. Et, contrairement à ce que le propos laisse croire, on n’y trouve pas de scènes vraiment choquantes ou bouleversantes. On est curieux mais pas vraiment dérangé par ces corps qui font du rentre-dedans sur scène. D’une part, les thèmes d’Oligny ont souvent été repris au cinéma, en littérature ou au théâtre. D’autre part, le traitement reste relativement pudique. C’est d’ailleurs le seul reproche qu’on puisse lui faire, car la réflexion d’Oligny reste du joli travail. Le comédien Daniel Desputeau mime un orgasme féminin puis masculin qui font sourire, et la danse de séduction d’Anne-Marie Boisvert se révèle plus une prouesse technique qu’une danse érotique.

Sur le plan scénique, le kitsch relié à l’univers de Manon Oligny demeure roi sur scène. Sauf que cette fois-ci, ses lampes et ses rares meubles style années soixante-dix tout comme ses lumières rouges, roses et bleu poudre ne donnent plus l’impression d’être sur scène à la suite d’un bon flash. Son choix musical, composé habituellement de chansons des années 60, s’est enrichi de musique classique. Cet ajout insuffle une note dramatique et parfois insolite à la pièce – en raison du traitement de juxtaposition des styles de musique. Sa danse est toujours aussi théâtrale mais les mouvements se sont un brin sophistiqués. Cependant, elle est encore à mille lieues du travail des formalistes (ce qui n’est pas un défaut, loin de là). Finalement, les comédiens et danseurs tirent leur épingle du jeu dans le domaine qui leur est moins familier. Les danseuses récitent ou chantent avec un certain talent. Même chose du côté des comédiens quand ils dansent.
Aussi charmante soit-elle, la minuscule scène de Tangente restreint toutefois drôlement la chorégraphie. Avec Étude 2, Manon Oligny prouve qu’elle maîtrise de plus en plus son art. Vivement une salle à la hauteur de ses projets.