Le Lit de mort : Le choc amoureux
Scène

Le Lit de mort : Le choc amoureux

Que peut-on dire sur l’amour qui n’ait pas déjà été dit? Rien… et tout. Rien, parce que personne ne peut prétendre inventer quelque chose qui n’ait pas fait vibrer un cœur quelque part dans la nuit des temps. Tout, puisque nos histoires d’amour n’appartiennent à personne d’autre, et sont donc uniques! Si les délices et les merveilles tout comme les souffrances et les misères de l’amour sont des clichés éternels, notre cœur, lui, bat au rythme de l’inconnu et de l’inattendu.

L’auteur Yvan Bienvenue s’est imposé ce genre de défi en écrivant une histoire simple sur le plus vieux sentiment du monde, intitulé Le Lit de mort. Sa plus récente pièce a pris l’affiche la semaine dernière. Récente n’est pas tout à fait exact: le dramaturge laissait dans ses tiroirs un canevas de ce texte depuis 1988, soit cinq années avant la création de son premier spectacle, Histoire à mourir d’amour, à la salle Fred-Barry.

Curieux destin dramatique… Bienvenue a d’abord préféré aborder l’amour de façon crue, violente et désespérée, alors qu’au fond de son cœur, il voulait nous raconter une histoire douce et joyeuse. La pudeur touche à la noblesse, lorsqu’elle masque les sentiments d’une âme solitaire. Dix ans plus tard, à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui, l’auteur livre enfin cette pièce à la fois personnelle et singulière, tellement elle tranche sur le reste de son œuvre dramatique.

Le Lit de mort nous montre un jeune homme (Christian Bégin) qui choisit d’aller finir ses jours dans une maison où une femme (Catherine Sénart) loue des lits pour les mourants! De quoi se meurt cet étranger? D’amour, bien entendu, pour une amante dont il préfère taire l’identité. Après s’être cassé les jambes (la maison tombe en ruine petit à petit), ce mal-aimé se voit forcé de rester dans son lit de mort, qui devient le berceau de sa peine d’amour. Le temps passe. Nos deux solitudes se découvrent, s’apprivoisent, mais refusent de plonger dans – dixit le mot au programme du metteur en scène Paul Lefebvre – «le plus douloureux scandale de l’existence: l’abandon à l’Autre».

Le résultat, malheureusement, est fort peu concluant. D’abord, l’auteur de Règlements de contes effectue un virage à 180 degrés, en adoptant une langue précieuse, franco-française (on se croirait dans un vieux mélo avec Jean Marais ou Edwige Feuillère) et totalement désincarnée. Ensuite, à cause du caractère très prévisible du récit: dès les premières minutes, on connaît la fin. Et aussi de la banalité de cette histoire qui m’a semblé plate à mourir – et pas d’amour! Comment croire «à la mise en théâtre du prodigieux arsenal de résistances que déclenche chez l’humain l’état amoureux» (encore Lefebvre), alors que ce «coup de foudre» ressemble à une idylle fleur bleue qui se déroulerait au Collège Français?

Yvan Bienvenue fait du marivaudage sans l’esprit et la finesse de Marivaux.

En plus de la confusion des styles (on navigue entre le réalisme et l’onirique, la fable et le mélodrame), son texte est empreint de beaucoup de naïveté et de sentimentalisme. La mise en scène lourde et imprécise n’aide pas. Paul Lefebvre a trop recours aux noirs entre les scènes, et à une musique originale, de François Beausoleil, qui devient rapidement mièvre. Les comédiens ne sont pas très convaincants. Et voir un acteur lire des contes, assis dans un lit, pendant la moitié d’un spectacle, c’est, ma foi, plutôt anti-spectaculaire.
Bienvenue aurait peut-être dû organiser des ateliers au lieu de produire, avec le Théâtre Urbi et Orbi, ce texte, auquel il attache une valeur sentimentale. Car dans sa forme actuelle, sa pièce est trop embryonnaire. Et en amour, la pire chose à faire, c’est bien de précipiter les choses…

Jusqu’au 20 novembre

À la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui

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