Partie de quilles chez la Reine de Cour : Hauts en couleur
Scène

Partie de quilles chez la Reine de Cour : Hauts en couleur

Un savoureux spectacle fait, ces jours-ci, le bonheur des enfants de 6 à 10 ans, fruit de la seconde collaboration de Jean-Frédéric Messier avec le Théâtre des Confettis. On avait hâte: la saison dernière, les planches de la Maison Théâtre avaient vibré aux décibels d’Un éléphant dans le cœur; du bonbon, comme on dit, dont Messier assumait texte, musique et mise en scène. Cette fois, la mise en scène est signée Philippe Soldevila, jeune créateur de Québec, aux commandes d’un manège d’imagination débridée.

Librement (et finement) inspirée de l’œuvre de Lewis Carroll, Partie de quilles chez la Reine de Cœur emprunte donc aux aventures d’Alice certains motifs: la traversée du miroir; les personnages du jeu d’échecs; la Reine et son inquiétante propension à trancher les têtes mais qui ici, au lieu de jouer au croquet, joue aux quilles (!); le Lapin Blanc, dont la peau inanimée vient ponctuellement rappeler à la mémoire de M. Lewis, écrivain original obsédé par le temps, celui qui fut son archétype.

Tout en conservant l’esprit merveilleusement onirique de l’auteur anglais, Jean-Frédéric Messier reste arrimé à l’actualité des enfants. Dans la salle, on appuie d’emblée les revendications du jeune héros, Cantin, qui décrète une grève du sommeil pour protester contre une injustice flagrante: ses parents lui imposent une heure pour aller au lit! Insulte suprême pour l’enfant-roi… qui se couronne séance tenante «Cantin 1er, prince des enfants magiques».

Heureusement, ses ardeurs tyranniques seront modérées quand, traversant le miroir de sa chambre, il se retrouvera dans un étrange royaume où tout le monde marche à reculons et où la rumeur de son despotisme court déjà… excitant la fibre compétitive de la terrible Reine de Cœur, qui coupe les têtes de ceux qui osent la battre aux quilles et promène d’ailleurs celle de son mari dans une petite valise en forme de carrosse royal!

Autour de Vincent Champoux, dont l’interprétation naturelle de Cantin décuple l’excentricité de ceux qu’il croise, Stéphan Allard, Yves Amyot et Anne-Marie Olivier jouent avec drôlerie les personnages hauts en couleur habitant cet univers du délire. Imaginez un étourdissant cauchemar, ponctué par les exhortations «Qu’on lui coupe la tête!», au son d’une musique de fanfare joyeuse et entraînante comme celle des films d’Emir Kusturica…

On le voit, la mise en scène de Philippe Soldevila carbure à la fantaisie et à la folie douce. Le dispositif scénique sophistiqué conçu par Denis Denoncourt génère beaucoup de mouvement: une plate-forme circulaire pivotante et des rideaux de bandelettes-miroirs nous font basculer dans l’autre monde et, une fois le conte achevé, ramènent l’enfant sous sa couette, bien content de ne plus être roi.

Jusqu’au 14 novembre
À la Maison Théâtre
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