Bousille et les justes : Messe basse
Scène

Bousille et les justes : Messe basse

Cette saison, le Rideau Vert donne la parole à des auteurs qui ont déjà représenté de nouveaux courants de pensée et qui étaient animés par le désir de changement: Ionesco, Shaw, Brecht et Gratien Gélinas. Ceci, et le désir de rendre hommage à l’auteur décédé l’hiver dernier expliquent pourquoi le doyen des théâtres professionnels au Canada a programmé Bousille et les justes, seulement trois ans après que le Théâtre du Vieux-Terrebonne eut demandé à Fernand Rainville de porter l’ouvre à la scène avec Denis Bouchard dans le rôle principal.

Créée en 1959, à l’aube de la Révolution tranquille, cette pièce est considérée comme l’une des meilleures de Gélinas. Elle représente un point tournant dans la dramaturgie québécoise. Dix ans après Tit-Coq, l’homme de théâtre veut en finir avec l’hypocrisie et la bigoterie religieuse qui ont marqué l’histoire des Canadiens français. Il écrit donc une pièce pour exposer comment la Grande Noirceur catholique a fini par avoir raison de l’innocence et de la pureté d’un peuple.

Bousille et les justes met en scène la famille Grenon venue à Montréal pour assister au procès d’un des fils accusé de meurtre. Elle se retrouve dans une chambre d’hôtel à se demander si le ciel lui est tombé sur la tête. Pour sauver leur réputation dans leur village, Saint-Tite, les Grenon doivent tout faire pour que leur fils soit acquitté. Ils pousseront donc Bousille, un simple d’esprit ami de la famille, à se parjurer. Un faux témoignage insupportable pour la conscience du dévoué Bousille.

Malgré ses qualités, la pièce de Gélinas a vieilli. Tout est trop expliqué, souligné, et certaines situations sont fort peu crédibles. Comme cette longue scène où l’on assiste à l’impossible rencontre entre l’avocat de la défense et deux témoins de la Couronne (Bousille et Colette) convoqués dans la chambre d’hôtel pour répondre à des questions devant les membres de la famille de l’accusé?!? Monsieur Gélinas n’avait sûrement pas fait son droit…

Qu’importe, nous sommes au théâtre. Une mise en scène inspirée peut tout faire passer. Hélas, celle téléromanesque et sans éclat de Micheline Lanctôt ne fait qu’amplifier les vices et les longueurs. Cette production manque totalement de vision et de direction. Dès la première scène (ajoutée par Lanctôt), on voit Bousille (Benoît Brière) chargé comme un mulet, se débattre avec les valises de la famille Grenon. On croirait revoir un gag d’Olivier Guimond ou de Charlot… Ce type d’humour ne colle pas avec la personnalité de Bousille et, du coup, engage l’acteur sur une fausse piste. Il faudra attendre au deuxième acte avant que Brière arrive à nous faire oublier «Ti-Zoune». Il réajuste alors son jeu pour faire ressortir l’émotion et le drame de Bousille.

Parmi le reste de la distribution, seule Marie-Chantal Perron (Colette) compose un personnage (à vrai dire, son entrée en scène réveille la salle!). Tous les autres imitent des tempéraments ou des types de personnages de l’époque. Résultat: leur jeu tombe dans les clichés et est malheureusement dépourvu d’humanité.

Est-ce un problème de direction d’acteurs ou, au départ, un très mauvais casting? Au bout du compte, cette production qui voulait rendre hommage au père de la dramaturgie québécoise est une longue et pénible soirée de théâtre.

Jusqu’au 4 décembre
Au Rideau Vert
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