Isabelle, trois caravelles et un charlatan : La croisière s’amuse
De jeunes comédiens, reprenant une ancienne technique de jeu, inaugurent un nouvel espace situé dans un des plus vieux centres culturels de la métropole. Sise au Monument-National, la Balustrade est en effet un nouveau lieu sans prétention consacré aux arts de la scène, avec bière servie aux tables par… les comédiens eux-mêmes. Une salle intime qui s’apparente à la Petite Licorne, parfaite pour les débutants à la recherche d’une scène professionnelle pas trop intimidante.
Les jeunes diplômés de l’École nationale de théâtre qui y brise la glace avec Isabelle, trois caravelles et un charlatan, de Dario Fo, naviguent habilement entre la tradition et la modernité. Avec cette version actualisée de la commedia dell’arte, le Théâtre de l’Utopie ne s’est pas trompé: les propos aigres-doux de Fo prennent un sens franchement comique dans la bouche des personnages ultra typés qui caractérisent ce genre théâtral.
Dans cette oeuvre du célèbre dramaturge italien, prix Nobel de la littérature en 1997, une bande de comédiens (Renaud Paradis, Michel Lavoie, Hugolin Chevrette, Mélanie Delisle, Jean-Sébastien Lavoie, Simone Chevalot) jouent une pièce interdite sous le regard hostile de ceux qui veulent les mener à la potence. Racontée par un troubadour accusé d’être un charlatan, la sulfureuse histoire met en scène Christophe Colomb, la puissante reine Isabelle, le ridicule roi Ferdinand et quelques proches (dont Arlequin et Pierrot), tous plus ou moins fêlés. Isabelle… dépasse la simple farce pour offrir une truculente réflexion sur les passions et les illusions du célèbre explorateur, ainsi que sur la monarchie, la religion et le statut précaire des artistes.
Ce texte truffé de blagues, adapté par la metteure en scène Cristina Iovita, offre une réflexion subtile sur le monde et la société. Malheureusement, la production de l’Utopie n’évite pas l’écueil de la facilité. Cabotinage et blagues estudiantines noient le propos de cette longue pièce (près de deux heures, sans compter l’entracte de 20 minutes) jouée à grand renfort de pitreries. Surgissant des coulisses comme du fond de la salle, les comédiens masqués et habillés de loques colorées (les habitués du Village des Valeurs et des friperies du Plateau reconnaîtront le style) se démènent pourtant avec énergie entre les tables et interagissent joyeusement avec les spectateurs, en accord avec la tradition de la commedia dell’arte. Du lot, Simone Chevalot s’illustre particulièrement: seule sa Jeanne-la-Folle aux yeux troubles donne du piquant à la deuxième partie de la pièce.
Divertissement populaire sans être bêtifiant, offert par des débutants qui gagneraient à être dirigés avec plus de rigueur, Isabelle, trois caravelles et un charlatan est une production imparfaite mais aussi courageuse et festive. Une réflexion brouillonne mais essentielle sur le théâtre engagé…
Jusqu’au 4 décembre
À la Balustrade du Monument National
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