Moi, Orlando : Double vie
Ils ont fait du théâtre ensemble, au secondaire puis au collégial. Ils ont étudié, en même temps, au Conservatoire d’art dramatique de Québec. Ils se retrouveront sur la scène du Périscope, où ils prêteront leur voix à un même personnage: Orlando.
Marie Dumais, metteure en scène de la pièce Moi, Orlando, a toutefois choisi Véronika Makdissi-Warren et Hugues Frenette en ignorant qu’ils se connaissaient. Pourtant, cette habitude de jouer ensemble leur sert grandement dans le spectacle qu’ils préparent. «Nous nous faisons confiance», affirme Véronika Makdissi-Warren. Heureusement. Car pour porter sur leurs seules épaules deux heures de spectacle, il importe que les deux comédiens puissent compter sur une grande complicité. À plus forte raison quand il s’agit d’incarner, à deux, un seul personnage.
La pièce se déroule en Angleterre; commençant à l’époque élisabéthaine et se terminant en cette fin de XXe siècle, elle raconte l’odyssée d’un personnage au destin particulier. Vivre 400 ans, être homme puis femme, à la recherche de son «moi unique», à travers rencontres et écriture; quel être ne rêverait d’une semblable aventure? Seul l’art permettant ce tour de force, c’est à Orlando, personnage issu du roman de Virginia Woolf que Marie Dumais a adapté pour la scène, qu’échoit ce privilège. Et c’est à ces deux jeunes comédiens qu’est donnée la chance d’interpréter ensemble ce personnage créé par l’auteure anglaise… pour se délasser.
Jouant le même rôle, Véronika Makdissi-Warren et Hugues Frenette en assument tour à tour différentes facettes. Pendant que l’un incarne Orlando, l’autre devient à la fois narrateur et voix intérieure du personnage. Cet alter ego le stimule, commente ses actions, jetant sur lui un regard critique et volontiers narquois. Orlando partage avec son double ses pensées; celui-ci l’incite parfois à agir. Entre les deux comédiens se tissent forcément, dans l’interprétation, des liens très forts. «Le jeu est très physique, explique la portion féminine d’Orlando; un courant d’énergie doit circuler entre nous.» – «Et, bien sûr, le fait de se connaître facilite les choses: il faut parfois entrer dans l’intimité l’un de l’autre», ajoute son alter ego masculin.
Pour ce travail physique, la metteure en scène s’est adjoint la chorégraphe Christiane Bélanger qui a exploré mouvement et gestuelle avec les comédiens. «Le jeu est très précis; chaque petit geste est placé», observent-ils. Et même si la pièce raconte la vie d’un seul personnage, le spectacle ne se fige jamais dans le statisme. Les mouvements des comédiens et l’utilisation du dispositif scénique créé par Jean Hazel permettent d’évoquer les images, très riches, de ce texte superbe. Ainsi sont suggérés différents endroits, différentes époques et les transformations d’Orlando.
Les difficultés de ce spectacle? Assumer, à deux, deux heures de représentation: défi d’endurance physique, de mémoire. Visiblement, toutefois, c’est le plaisir qui domine. «Nous travaillons dans une ambiance extrêmement agréable; Marie Dumais nous fait totalement confiance», déclarent-ils. «Et il y a un côté délicieux au texte; quel bijou!», ajoute Hugues Frenette. Véronika Makdissi-Warren, de son côté, prend beaucoup de plaisir aux changements d’univers que permet chacun des neuf tableaux constituant la pièce et à la folie de l’histoire: «C’est un amusement, cette pièce-là; ce n’est pas sérieux!»
Les deux acteurs voient leur participation à ce spectacle comme un privilège, leur permettant d’apprendre beaucoup. «C’est un gros cadeau qu’on nous a offert; nous le déballons en faisant très attention», conclut la comédienne en riant. Un cadeau en forme de «jeu»: celui de la scène, qui permet à des personnages surprenants de vivre des aventures impossibles ailleurs. Et aux «simples mortels» de les rencontrer…
Du 23 novembre au 11 décembre
Au Théâtre Périscope
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