Jusqu’au 11 décembre
Au Théâtre Périscope
«It’s a joke! A fantasy!», disait Virginia Woolf de son œuvre Orlando. Cet aspect amusant, irréel de son roman se prolonge joyeusement dans l’adaptation réalisée et mise en scène par Marie Dumais au Périscope.
D’entrée de jeu, nulle prétention réaliste. À la fantaisie de l’histoire correspondent la simplicité et le caractère ludique de la scénographie et de la mise en scène. Plateau nu, à l’exception de cadres mouvants comme des pièces de casse-tête, suggérant lieux et atmosphères; costumes simples, transformés par des éléments à ajouter pour changer d’époque et de rôle; enthousiasme des interprètes. L’ensemble apparaît, de plus, lumineux et fluide: musique, ombre et lumière, mouvement rappelant souvent la danse, jeu de transparence de certains éléments de costume et des cadres du décor, faits de moustiquaire translucide. En blanc, noir et superpositions, toute la fantaisie réside dans l’imagination qui, par le relais des comédiens, règne sur la scène presque dépouillée.
Cette fluidité suggère l’aisance d’Orlando «glissant» à travers les siècles, de 1595 à aujourd’hui. Apparemment oublié par le temps, ce personnage vit 400 ans, d’abord homme, puis femme; il écrit, voyage et, au fil de ses rencontres, cherche à comprendre le monde. Sa traversée s’effectue, semble-t-il, presque sans heurts. Chaque tableau fournit la matière d’un portrait vif de l’époque évoquée, croqué par le regard critique mais amusé de Virginia Woolf.
Marie Dumais a remarquablement transmis l’humour typiquement britannique de l’œuvre. Tout en finesse, celui-ci allie tolérance et regard narquois. Quant au texte, complexe et imagé, son passage du roman à la scène représentait un défi de taille. Bien que souvent narratif, il est sans cesse vivifié par la mise en scène et la générosité de l’interprétation. Le personnage créé par Virginia Woolf est en effet campé par deux comédiens à la complicité sans faille: Véronika Makdissi-Warren et Hugues Frenette, qui s’amusent visiblement. Le public en fait autant.
Histoire pleine de folie et de fantaisie, Moi, Orlando réfléchit toutefois à une question essentielle pour l’être humain: la quête de soi. Le texte fin, le jeu pétillant et la mise en scène énergique en font un vent fou qui revigore et aère l’esprit.