À l’invitation du diffuseur Danse-Cité, la chorégraphe Isabelle Van Grimde livrait ces jours-ci deux chorégraphies aussi belles qu’émouvantes. Malgré le sérieux de son propos portant sur les relations interpersonnelles, elle vient contredire la réputation des chorégraphes de danse actuelle de toujours vouloir s’enfermer dans des univers sombres et tourmentés.
Les premiers moments de Maisons de poussière contiennent à eux seuls les principales forces artistiques d’Isabelle Van Grimde. La sobriété de son esthétisme, le dynamisme de sa structure chorégraphique et l’humanité de ses mouvements confirment une maturité et une originalité qui tardaient à émerger de son travail entamé voilà presque dix ans. De plus, son spectacle était présenté dans un lieu qui sert bien la danse mais qui est trop peu utilisé à cette fin, le Théâtre Centaur.
Dès l’entrée dans la salle, le ton nous est donné. Le danseur Robert Meilleur fait les cent pas sur la scène. Aussitôt les lumières éteintes et le silence installé, celui-ci se met à alterner des mouvements incisifs avec des tournoiements d’une extrême lenteur. On le devine attentif et vulnérable et, sans autre préambule, nous voilà harponnés, les tracas de la journée envolés, avec l’envie de voir se prolonger cet intense moment. Une danseuse vient le rejoindre, puis une autre. La musique intervient et pendant une bonne demi-heure, le trio accomplit une foule de mouvements en angle, mariant lenteur et rapidité sur une musique offrant une large place au silence.
Malgré leur courte expérience, Maud Simoneau et Lyne Lamontagne assurent une présence scénique intéressante. Mais, c’est la performance de Robert Meilleur qui impressionne le plus. Ancien danseur pour les chorégraphes Ginette Laurin, William Douglas, Paul-André Fortier et Benoît Lachambre, il a développé avec les années une stupéfiante intériorité et une remarquable maîtrise de la technique. Son agilité intensifie l’impression que cette gestuelle touffue, tout en ligne droite, a été conçue juste pour lui. Ajoutez à cela les lumières tendres de Caroline Ross, et voilà que Maisons de poussière coule comme une rivière au printemps.
Le «quintette» May All Your Storms Be Weathered évolue dans le même environnement soigné. La scénographie est cependant plus froide, plus contrastée. La chorégraphe multiplie les images de dos nus et les mouvements de course contre la montre. La musique originale du compositeur hollandais Hanna Kulenty amplifie notre sentiment d’oppression. Seule ombre au tableau: l’interprétation tiède des Hollandais Markus Theisen et Fenne van Leth. Le soir de la première, ils ne semblaient pas animés par le même désir de dépassement que leurs collègues québécois. N’empêche qu’il se dégage de cette oeuvre créée il y a deux ans aux Pays-Bas beaucoup de sensualité. Espérons que ce spectacle présenté seulement le week-end dernier reprennent bientôt l’affiche.