Jonas : Bad trip
Première création des Ateliers l’Aquarium et le Globe, qui visent à aider les artistes alternatifs «marginalisés par la loi de l’offre et de la demande», Jonas a été avalé, notamment, par la baleine de l’ambition. Dure dure, la création…
Dure dure, la création. Vous réquisitionnez un nombre impressionnant de comédiens et de concepteurs, mitonnez votre projet en plusieurs phases, d’ateliers d’improvisation en laboratoire public, jusqu’à l’épreuve des planches et… catastrophe. Disons qu’il est d’autant plus désolant d’assister à l’accouchement scénique de Jonas, un spectacle pénible et brouillon, indigne d’une salle professionnelle, c’est-à-dire le Monument-National, où il a planté sa tente (littéralement) jusqu’à samedi.
Première création des Ateliers l’Aquarium et le Globe, qui visent à aider les artistes alternatifs «marginalisés par la loi de l’offre et de la demande», ce Jonas pétri de bonnes intentions a été avalé, notamment, par la baleine de l’ambition. La troupe a voulu enfanter «une satire des chapelles intellectuelles incapables de vulgariser leur savoir», et lancer «un appel à la responsabilité individuelle devant la gravité des défis écologiques actuels»… Excusez du peu.
Parti en expédition dans l’Antarctique pour «encanner» des échantillons d’air pur, Jonas, un biochimiste vaniteux, éprouve des doutes sur la pureté de ses intentions, à l’aube de son retour à la civilisation, où il prévoyait poser en héroïque sauveteur de l’Humanité. L’explorateur est visité par des flash-back ou des hallucinations, qui lui jettent au visage son égocentrisme, son imposture, tout en dénigrant les qualités propres à ses collègues scientifiques, engagés dans une grotesque bataille d’egos, à celui qui s’écoutera le plus parler. La pièce – très librement inspirée, à la base, par Les Femmes savantes – dénonce «les nouvelles générations de Trissotin (…) sans nul Molière à l’horizon». Et ce n’est pas ici qu’on va le dénicher, croyez-moi…
Par où commencer? Par le texte pompeux et brumeux, qui peine lui-même à communiquer ses intentions; la mise en scène erratique d’Élisabeth Couture; le jeu généralement déficient?… Jonas vit sous le règne du n’importe quoi, comportant des scènes dont on ne comprend pas la pertinence, ni comment elles s’agencent au reste. Le spectacle oscille entre l’exercice scolaire, à la fois prétentieux et très marqué (dans le pire sens) par l’impro; le mauvais show pour enfants, pour la couleur de l’humour (particulièrement le ridicule rôle-titre, incarné de façon pataude et emphatique par Marc-Alain Robitaille); et un bad trip, où l’on tente de noyer le poisson avec un galimatias conceptuel, dont une longue séquence vidéo de têtes virevoltant sur écran… Indigeste.
En émergent de rares touches caricaturales réussies. Pour cibler juste, une satire doit être beaucoup plus précise et acérée que ce magma confus. Ici, le spectateur, mal à l’aise, ignore si le show paraît risible à cause d’un dessein ironique, ou tout simplement parce que l’ensemble est maladroit. Gênant, quand on prétend se moquer de la «fatuité» de l’intelligentsia de la planète…
Jusqu’au 11 décembre
À la salle du Maurier du Monument-National
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