Louis Champagne : La fin du monde

Dans le milieu théâtral, l’audace d’une poignée d’individus peut avoir d’importantes répercussions. Le 1er janvier 1996, trois tripeux (Louis Champagne, Stéphane Crête et Gabriel Sabourin) réunis sous la bannière du Grand Théâtre Émotif du Québec inauguraient à l’Espace Libre L’Année de l’ébranlement, en présentant la première d’une série de douze créations. Un projet «mégalomane, intense et, surtout, épuisant», selon Louis Champagne. Cette année, la troupe Momentum a repris le flambeau et tenté, à sa façon, la grande aventure, en confiant la création d’un spectacle par mois à différents «apôtres». Supervisées par Stéphane Crête et Jean-Frédéric Messier, ces 12 Messes pour le début de la fin des temps ont, jusqu’à présent, donné lieu à onze créations souvent bricolées à la va-vite, aussi inventives qu’étranges. Bonne idée, donc, de confier la célébration de l’ultime messe au «parrain» du concept, l’auteur, metteur en scène et comédien Louis Champagne.

De la première messe présentée dehors, alors qu’il faisait un glacial -35 degrés, en passant par les shows dans un chalet, un autobus, un dépotoir ou un restaurant chinois, Luc Paradis, responsable de la logistique et des communications pour Momentum, en a d’ailleurs vu de toutes les couleurs. Plongé dans les préparatifs de la dernière messe, il se dit incapable de dresser un bilan cohérent – «c’est comme si on ne demandait une topographie de la forêt alors que je suis en plein milieu!» mais souligne sans hésitation l’«incroyable générosité» des différents artisans de cette folle aventure.

Lancées par un show réunissant vingt-deux Amérindiens sous une tente, les Messes de Momentum se termineront avec vingt artistes réunis au MAI pour la Dernière Scène, une création écrite et mise en scène par Louis Champagne, qui interprétera aussi le personnage principal. «C’est l’histoire de Fred, qui convoque chez lui douze femmes importantes de sa vie dans le but de recréer la Dernière Cène et de choisir laquelle sera à ses côtés lorsque sonnera la fin des temps. Le noyau de la pièce, les monologues des filles, ainsi que les interventions de Jésus (Daniel Desputeaux, auteur de ses répliques), qui désamorce le concept de l’an 2000: selon lui, on serait plutôt en 2005 ou 2006…»

Après avoir réuni cet automne 22 comédiens (dont 21 hommes) au Bar Fullum pour L’Homme des tavernes, Louis Champagne a voulu mettre en scène une production plus modeste. Résultat: ce boulimique des planches sera entouré de douze femmes, de Jésus, d’un majordome et d’un quatuor live! Champagne maintient pourtant qu’il s’agit d’une création d’une grande simplicité. «C’est un show doux, un gros clin d’oeil à la fin du millénaire. C’est aussi un spectacle sur le souvenir et les sensations: Fred croit que la terre va exploser, et il a envie de tenir une femme dans ses bras.» Champagne a fait appel à des amies pour jouer les rôles des 12 femmes de sa vie. «Certaines reviennent au théâtre après un accouchement; d’autres n’en ont jamais fait: elles sont un peu nerveuses, mais j’essaie de désamorcer ça, parce que c’est un show de bonheur. En fait, c’est encore un show d’amitié, tous les artistes qui y participent sont des gens avec qui j’ai un rapport personnel.»

S’il multiplie les projets – il joue dans les Contes urbains, s’apprête à reprendre L’Homme des tavernes, veut produire un disque et entreprend l’écriture d’un scénario -, celui qui se décrit comme un «gosseux de shows, et non un auteur» fait preuve d’une grande humilité lorsqu’il est question de son apport au théâtre montréalais. «Je suis très ému de voir que le projet du Grand Théâtre Émotif a inspiré Momentum. C’est mégalomane, ce genre de projet, mais c’est nécessaire. L’effet d’entraînement, c’est important: ça va peut-être donner envie à une jeune troupe de faire un show par jour pendant un mois…»

Jusqu’au 18 décembre

Au Mai

Voir calendrier Théâtre