Louise Bombardier : Feu sacré
Scène

Louise Bombardier : Feu sacré

Entre l’écriture et le jeu, Louise Bombardier tente de maintenir le fragile équilbre. Cette semaine, elle joue pour la première fois chez Duceppe dans une comédie vitriolique sur la famille et les Fêtes.

Comme beaucoup de monde, la comédienne Louise Bombardier avoue être très angoissée à l’approche des Fêtes. «Moi, les symboliques imposées, ça m’écrase. L’obligation d’être heureux en compagnie de gens avec qui, parfois, tu n’as pas d’affinités, je trouve ça hystérique.»

Quoi de mieux, alors, pour exorciser son angoisse que de jouer dans une pièce qui illustre l’absurdité de l’hystérie collective autour du temps des Fêtes. C’est ce qu’elle fait depuis hier au Théâtre Jean-Duceppe, dans Noël de force, de l’auteur canadien-anglais Eugene Stickland, aux côtés de Jacques L’Heureux, Marcel Leboeuf, Benoit Girard et Monique Joly. Cette solide distribution incarne une famille totalement dysfonctionnelle: cinq monstres d’égoïsme qui essaient en vain de passer par-dessus leur névrose et leur psychose pour vivre un Noël joyeux.

Créée par l’Alberta Theatre Project de Calgary, en 1994, Some Assembly Required (Noël de force) a fait l’objet d’une quinzaine de productions au Canada et aux États-Unis. Invité à une rencontre sur le métier de traducteur à Tadoussac, organisée l’an dernier par le CEAD, Stickland a confié la traduction de sa pièce à René Gingras. Après une lecture bien reçue par les abonnés de Duceppe, la compagnie a demandé à Monique Duceppe de signer la mise en scène de la production actuelle.

Louise Bombardier y joue le rôle de Stacy, la fille hystérique de cette famille disloquée qui n’a rien à envier aux membres de La Petite Vie. Comédienne aimant jouer du théâtre de création (elle était remarquable dans La Salle des loisirs, de Renyald Robinson), elle semble se spécialiser dans les personnages excessifs et «monstrueux» de pièces made in Canada: Pour adultes seulement, de George Walker; Poor Superman, de Brad Fraser; Je suis à toi et Lion dans les rues, de Judith Thompson… La découverte de l’oeuvre d’Eugene Stickland s’inscrit sur cette voie: «À l’instar d’autres auteurs canadiens-anglais, Stickland porte un regard humoristique et cynique sur ses contemporains. Mais c’est un cynisme tendre, propre à une culture minoritaire en Amérique du Nord. Plus populaire que les pièces de Walker ou de Fraser, Noël de force aborde également des thèmes sérieux, telles la peur de l’échec et l’incapacité de communiquer. Au fond, le dramaturge se demande comment fait-on pour fonctionner quand on est aussi dysfonctionnel que ça…»

Les mots pour le dire

À son crédit, Louise Bombardier a signé une quinzaine de textes pour le théâtre et la télévision, dont la plupart visent le jeune public. «Au départ, je me destinais à l’écriture. C’est un hasard si je me suis retrouvée sur une scène. J’écrivais de la poésie. Je suis encore aujourd’hui une fille de textes, de mots. Si je n’aime pas un texte, je refuse de le jouer, même si je n’ai rien d’autre devant moi.»

Comment se fait le passage d’une activité à l’autre? «Quand j’écris et quand je joue, je ne suis pas la même personne, dit-elle. Pour écrire, je me coupe du monde extérieur. Tandis que l’actrice se transforme en buvard pour s’imprégner de tout son entourage. Dans le mesure du possible, j’essaie de faire coïncider les moments d’écriture avec les périodes où la comédienne chôme. Je vis toujours ça comme un deuil quand les gens m’oublient et que je me retrouve sans rôle. Mais je ne suis pas une exception. Ce métier est difficile et ingrat, surtout pour les actrices de 40 ans qui ne correspondent plus aux canons du star-system. Le plus dur, dans tout ça, c’est de se préserver de l’amertume. C’est tellement fragile, un acteur. Et cette fragilité-là doit rester une qualité. Si, avec le temps, un comédien s’endurcit pour moins ressentir les blessures du métier, il risque de devenir amer.»

– Pour qu’un acteur excelle, il doit demeurer vulnérable… et donc souffrir. C’est terrible ce que vous dites!

«Peut-être. Mais que sommes-nous, les acteurs? Des enfants. Je crois qu’il n’y a pas création sans état d’enfance. Hélas, c’est facile à briser, un enfant. C’est pour ça que je suis constamment à la recherche de sens. Je veux rejoindre le spirituel dans tout ce que je fais. Je cherche la lumière même si, souvent, ça passe par les ténèbres. Pour moi, jouer, créer, c’est de l’alchimie: il faut toujours essayer de faire surgir l’ombre de la lumière.

Jusqu’au 18 décembre

Et du 4 janvier au 5 février

Au Théâtre Jean-Duceppe

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