Noël de force : La famille stone
Présentée à la Compagnie Jean-Duceppe dès le 4 janvier, la comédie Noël de force est un étrange croisement entre Vol au-dessus d’un nid de coucou et La Petite Vie. Version canadian, bien sûr, et sans le drame du premier, ni les répliques acidulées du second.
Quand les membres d’une «famille dysfonctionnelle en phase terminale» se retrouvent ensemble la veille de Noël, on peut s’attendre à tout. Et, effectivement, la pièce de l’auteur albertain Eugene Stickland, Noël de force, dépasse l’entendement. Cette comédie présentée à la Compagnie Jean-Duceppe dès le 4 janvier, dans une traduction de René Gingras, est un étrange croisement entre Vol au-dessus d’un nid de coucou et La Petite Vie. Version canadian, bien sûr, et sans le drame du premier, ni les répliques acidulées du second.
Voyez le topo: une mère hypocondriaque, alitée et bourrée de pilules; un père control freak qui connaît mieux les dates d’enregistrement des disques de sa collection que la vie de ses enfants; un fils nerd au caractère obsessionnel; son frère paranoïaque qui, armé d’une carabine à plombs, se barricade dans la cave; et une soeur hystérique tout droit sortie de l’asile…
Malgré toutes leurs névroses, les membres de cette famille tenteront de passer un joyeux Noël. De force s’il le faut… L’un en préparant un bol d’eggnog, l’autre en achetant des cadeaux bidon (Que diriez-vous d’un jeu de fusibles pour les Fêtes?); ou encore en faisant un sapin de Noël ayant l’apparence d’un cactus! Le père tentera de dégeler la dinde, et la mère sortira de son inertie pour lui donner un coup de main.
Après une première demi-heure longue et ennuyeuse, la comédie finit par lever avec le duel à la carabine entre les deux frères, dans la cave; et, surtout, avec l’arrivée de Louise Bombardier. Cette dernière compose son personnage d’hystérique avec un sens du détail (il faut la voir mimer les tics de la folie). Marcel Leboeuf livre aussi une bonne prestation dans le rôle de cet homme au bord de la crise de nerfs. De même pour Jacques L’Heureux.
Malheureusement, les parents ne sont pas à la hauteur des enfants. Monique Joly n’est pas vraiment crédible en mère hypocondriaque. Benoît Girard manque un peu d’autorité en paternel. Cela nuit à la thèse de la pièce: pour bien croire à la folie des enfants, il faudrait que les parents soient aussi, voire plus, capotés que leurs rejetons.
La scénographie très réaliste de Marcel Dauphinais (avec un faux feu de foyer, des murs en préfini et des lazy-boys recouverts de tissu à carreaux), et la mise en scène un peu lourde de Monique Duceppe ne pèchent pas par excès d’inspiration. Avec un tel sujet, la folie, la metteure en scène aurait pu s’éloigner du réalisme et du psychologisme. Eh non! Heureusement que madame Duceppe pouvait compter sur de bons comédiens pour donner des ailes à cette production beaucoup trop sage.
À sa défense, il faut dire que Noël de force est une bonne comédie populaire qui ne révolutionne pas l’art dramatique. Mi-théâtre d’été, mi-drame absurde, le sous-texte de Stickland (c’est-à-dire sa toile de fond symbolique) est pourtant assez noir. Il puise dans les pires patterns de la psychologie familiale. Le dramaturge semble défendre la thèse que nous sommes prisonniers des névroses de nos géniteurs. Le problème, c’est que la pièce n’appuie pas la charge psychologique qu’elle avance. Elle n’amorce même pas l’ombre du début d’une explication. L’auteur nous laisse sur notre faim en multipliant les scènes loufoques et en proposant une conclusion grotesque. Le drame sous-jacent demeurera sous silence. Dommage, avec un sujet aussi universel et inépuisable que la famille, Eugene Stickland aurait pu être plus ambitieux.
Du 4 janvier au 5 février
Au Théâtre Jean-Duceppe
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