François Archambault : Sonder les âmes
Scène

François Archambault : Sonder les âmes

Depuis dix ans, François Archambault écrit des comédies qui finissent mal. À travers ses pièces, l’auteur dresse un portrait sombre de ses contemporains. Avec Code 99, il fait une première incursion dans le théâtre musical.

«En sortant de l’École nationale de théâtre, j’étais sur les nerfs. J’avais besoin de faire rapidement mes preuves, de montrer que j’étais capable d’exercer le métier d’auteur.» Après avoir rédigé une dizaine de pièces, remporté le Prix du Gouverneur général et récolté quelques Masques, François Archambault a certainement fait la preuve qu’il était un créateur de talent, capable d’écrire à la fois vite… et bien! Après dix ans de labeur, le jeune loup peut même – ô privilège! – vivre de sa plume. Fini, les jobines pour cet hyperactif qui, pendant trois ans, a fait des sondages par téléphone…

Ironiquement, Archambault se sert plutôt, aujourd’hui, de ses aventures dans le merveilleux monde du sondage… comme matériau d’écriture. «Quand Normand Chouinard [le directeur du Conservatoire d’art dramatique de Montréal] m’a commandé une pièce pour la promotion 99, je me suis demandé dans quel milieu il pourrait y avoir 12 jeunes… J’ai tout de suite pensé aux maisons de sondages! Il y a là une extraordinaire galerie de personnages.» En collaboration avec le professeur de chant Yves Morin, Archambault a donc imaginé une pièce de «théâtre musical» pour ces étudiants particulièrement doués pour le chant. Six musiciens du Conservatoire de musique se sont joints à cette «méga-production sans moyens» que Normand Chouinard, assisté de Michel Bérubé, a mise en scène au printemps dernier et qui sera reprise à la salle Fred-Barry. Le dramaturge a rédigé une vingtaine de chansons (solos et choeurs) qu’Yves Morin a – «par excès de zèle!» s’esclaffe-t-il – mises en musique. Un disque a vu le jour dans la foulée du spectacle.

«Même si ce n’est pas une comédie musicale traditionnelle, j’ai l’impression que cette expérience a changé mon écriture. Les chansons et la musique ajoutent une dimension au théâtre. Bien sûr, le rythme a toujours été une préoccupation pour moi, et je me demande si ça ne vient pas justement des sondages téléphoniques! (rires) Cela a vraiment été une bonne école. Imagine: tu es en contact avec une voix, des mots, des silences, mais tu ne peux voir à qui cela appartient. C’est comme quand tu écris pour la scène!»

Visiblement, François Archambault s’est amusé à imaginer les aventures des employés de l’Institut national de l’opinion publique. «J’ai voulu faire un portrait de jeunes qui n’ont pas la chance d’avoir un emploi qui les met en valeur. Ils sont pris dans une espèce de purgatoire; ils rêvent tous de faire autre chose.» Fasciné par la théorie du chaos – «le battement d’une aile de papillon ici peut provoquer une tornade au Mexique» -, le dramaturge s’est servi d’un événement banal (une panne d’électricité) pour clore sa création de façon tragique. «Toutes mes pièces sont pareilles: ce sont des comédies qui finissent mal! Code 99 est une oeuvre tragique, mais c’est un hymne à la vie en même temps. Je pense qu’écrire une oeuvre pessimiste, c’est faire preuve d’un grand optimisme. Présenter un portrait sombre, cela veut dire que tu juges les spectateurs assez responsables pour en tirer quelque chose.»

En côtoyant de jeunes diplômés «fébriles, affamés et généreux», François Archambault a pris la mesure du chemin qu’il avait parcouru. «J’ai maintenant une plus grande confiance en moi et dans les autres, peut-être parce que j’arrive mieux à leur expliquer mes intentions.» S’il délègue davantage, le dramaturge n’a pas perdu son côté workaholic. Il travaille actuellement à l’écriture de La Nostalgie du paradis (titre provisoire), qui sera à l’affiche du Théâtre d’Aujourd’hui la saison prochaine. «Avant, je créais beaucoup de personnages jeunes. Je n’osais pas poser le regard sur les générations plus âgées, peut-être parce que j’avais des comptes à régler avec la mienne. Pour la première fois, cette pièce mettra en scène des adultes… J’imagine qu’avant d’en arriver là, j’avais besoin de me définir.» L’air moqueur, il ajoute: «Code 99, c’est probablement ma dernière oeuvre de jeunesse!»

Du 12 au 29 janvier
Salle Fred-Barry
Voir calendrier Théâtre