Antarktikos : L’hiver de force
C’est la mi-janvier. Il fait moins 50 degrés compte tenu du maudit Nordex. Tout le monde est déprimé ou a pogné la grippe. Quoi de mieux donc que d’aller voir une pièce mettant en scène six hommes prisonniers de la nuit polaire dans un abri de glace quelque part au milieu de l’Antarctique…
C’est la mi-janvier. Il fait moins 50 degrés compte tenu du maudit Nordex. Tout le monde est déprimé ou a pogné la grippe. Quoi de mieux donc que d’aller voir une pièce mettant en scène six hommes prisonniers de la nuit polaire dans un abri de glace quelque part au milieu de l’Antarctique…
On ne peut pas accuser la direction artistique de La Licorne d’avoir vendu son âme au marketing! Par contre, avec Antarktikos, le directeur du théâtre de la rue Papineau, Jean-Denis Leduc, nous fait découvrir une oeuvre très forte, au potentiel dramatique incroyable, et au sujet poignant: le rapport, entre autres, de l’Homme avec la nature.
À ma connaissance, l’auteur de cette pièce à l’affiche jusqu’au 15 février, le Torontois David Young, n’avait jamais été produit au Québec. C’est donc une bonne initiative du Théâtre de La Manufacture.
À la base d’Antarktikos, David Young s’est inspiré d’un fait réel: en 1912, six membres de la Royal Navy, partis d’Angleterre pour une expédition scientifique au pôle Sud, qui ne devait durer que quelques semaines, resteront prisonniers de la nuit polaire! Durant sept mois, ces hommes seront condamnés à vivre dans des conditions inhumaines sur un continent qui était alors le dernier espace vierge sur la surface du globe.
Sous les ordres du lieutenant Campbell (Normand D’Amour), ils conserveront, malgré cette situation extrême, le sens du devoir et de la hiérarchie. À force de discipline, ils finiront par passer à travers le pire: la crasse, les blessures, la faim, le froid, la promiscuité, etc. Pour ne pas devenir fous, Campbell et les siens s’appliqueront à se donner des règles et un système de valeurs. Entre deux maigres rations de biscuits secs, ces hommes en captivité participent à des séances de «débats contradictoires» pour stimuler les échanges intellectuels. Perdus dans cet enfer de glace, ils s’accrocheront à une dernière chose: leur dignité humaine. Au bout du compte, l’équipage verra la lumière au bout de ce tunnel blanc.
Sous la direction de Michel Monty, et dans une excellente traduction d’André Ricard, Antarktikos arrive à nous faire frémir en nous communiquant la souffrance physique et morale de ces six hommes au destin exceptionnel. En ce sens, il faut souligner l’ingénieuse scénographie d’Olivier Landreville, qui illustre bien la promiscuité vécue dans cette cave de glace. La mise en scène est dans l’ensemble très bonne. Michel Monty a su doser l’action des scènes de crise et l’immobilisme des moments d’attente, grâce à des tableaux d’une belle poésie visuelle.
Du côté des acteurs, mis à part le pauvre Richard Fréchette, qui joue Priestley mollement et sans conviction, le reste de la distribution est à la hauteur de cette fascinante expédition dramatique. Normand D’Amour véhicule toute l’autorité et le panache nécessaires au rôle-pivot du lieutenant. Réal Bossé, le bon docteur Levick, offre également une composition remarquable. Et les trois marins sont défendus avec force et justesse par Stéphane Demers, Jean Turcotte et Gérald Gagnon.
Finalement, La Licorne a eu raison de vouloir combattre le froid par le froid
Jus’qu 15 février
À La Licorne
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