Code 99 : L'air du temps
Scène

Code 99 : L’air du temps

L’âme humaine est-elle sondable? Cette question-piège, François Archambault l’a posée à la cuvée 1998-99 du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, pour laquelle il a écrit une comédie grinçante mêlant les échanges à saveur philosophique aux envolées lyriques…

L’âme humaine est-elle sondable? Cette question-piège, François Archambault l’a posée à la cuvée 1998-99 du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, pour laquelle il a écrit une comédie grinçante mêlant les échanges à saveur philosophique aux envolées lyriques. Sur la scène de la salle Fred-Barry, transformée en centrale téléphonique, les douze diplômés n’offrent pas de réponse à l’interrogation métaphysique du dramaturge, mais mettent leur fougue à contribution pour en faire germer une dans la tête du spectateur.

Créé dans la mise en scène de Normand Chouinard (assisté de Michel Bérubé) en avril dernier, Code 99 est un anti-Notre-Dame de Paris: un show de «théâtre musical» intime, brouillon et imparfait. L’action prend place à l’Institut national de l’opinion publique, où bossent des jeunes pris dans le «purgatoire» des jobines, sous la poigne de fer de Boss (Marie-Ève Pelletier). Les numéros «de groupe» offerts par les comédiens, qui chantent en choeur, sont particulièrement puissants, entre autres grâce aux chorégraphies assises qui les accompagnent. Du côté des prestations solos, les sept personnages féminins éclipsent les cinq gars, dont les rôles sont nettement moins étoffés. Parmi les comédiennes qui se distinguent, mentionnons Catherine Trudeau, qui incarne Olyp, une névrosée performante à la recherche de «focus» qui se lance des défis comme boire le plus grand nombre de verres de jus d’orange sans aller aux toilettes, et préfère faire l’amour seule, pour «ne pas perdre le contrôle». Autre personnage savoureux, Star (Brigitte Lafleur) est une gosse de riches qui s’amourache du «fucké» de la place, Drak (Jean-Sébastien Lavoie). Invitée chez ce poète rebelle, elle s’y livre au massacre d’une poupée gonflable, qu’elle imagine être sa mère…

Si les douze comédiens-chanteurs ne quittent jamais l’aire de jeu, les six musiciens du Conservatoire de musique qui les accompagnent, eux, s’activent malheureusement hors de notre champ de vision. Leur prestation donne du ressort aux airs chantés (parfois faux) par les diplômés.

Visiblement doté d’un grand sens de l’observation, Archambault a imaginé des échanges particulièrement savoureux, à la fois drôles et cruels. Quelques répliques bien senties nous apprennent ainsi que la famine ne sévit pas qu’en Afrique, mais également dans l’Est de la ville, où, paraît-il, une petite fille s’est étouffée à l’école en «mangeant une efface», tandis qu’un peu plus tard, un gars en manque d’amour s’offusque que «les grosses se sentent toujours obligées d’être plus cochonnes»…

À ces moments d’humour noir s’ajoute l’hilarant speech de Boss au sujet du code 99, qui veut dire «ne sait pas», et qu’il ne faut jamais utiliser. «Tout le monde a une opinion, qu’elle soit fondée ou non!» s’époumone la patronne hystérique, qui fera basculer la comédie dans le drame en posant, durant une panne d’électricité, un geste dramatique. Superbe, cette scène finale rachète les longueurs d’une ode à la liberté inégale et ambitieuse, qui gagnerait à être amputée de quelques chansons, mais qui a le grand mérite de mettre en lumière de nouveaux talents. Et de confirmer celui de François Archambault…
Jusqu’au 29 janvier, salle Fred-Barry.