PAF – trois solos : Retour aux sources
Paul-André Fortier donne une performance exigeante ces jours-ci à l’Agora de la danse. Ce chorégraphe-danseur, qui a franchi le cap de la cinquantaine, interprète trois solos d’une quarantaine de minutes chacun.
Paul-André Fortier donne une performance exigeante ces jours-ci à l’Agora de la danse. Ce chorégraphe-danseur, qui a franchi le cap de la cinquantaine, interprète trois solos d’une quarantaine de minutes chacun. On peut les voir par tranches en semaine, ou en rafale, le week-end. Mais peu importe le type de représentation, Paul-André Fortier termine sa performance dégoulinant de sueur, devant un public ravi.
Plusieurs raisons justifient notre visite à l’Agora. D’abord, rares sont les danseurs qui dégagent autant de charisme sur scène. Ainsi, Fortier démontre une extraordinaire capacité de concentration et une impressionnante maîtrise technique. Puis, ses solos nous révèlent une tranche de la jeune histoire de la danse contemporaine du Québec. Ces derniers ont en effet été créés au tournant des années quatre-vingt-dix, alors que la danse-théâtre cédait le pas à la danse abstraite. Fortier a d’ailleurs choisi de livrer les versions originales, en conservant les décors et les costumes de l’époque. Finalement, PAF-trois solos nous permet de relier entre elles les dernières oeuvres du chorégraphe (Entre la mémoire et l’oubli, La Part des anges et Jeux de fous).
Quel solo privilégier si on dispose de peu de temps? Si on aime les émotions, on sera touché par La Tentation de la transparence. Si l’on préfère la danse-théâtre et l’insolite, Les Mâles heures nous conviendra. Enfin, si l’on apprécie la danse formelle et l’esthétisme, on choisira Bras de plomb. De toute façon, tous ces solos comportent des passages qui surprennent et impressionnent.
Dans Les Mâles heures, le danseur surgit en costume de ville. Au moment de sa création, en 1989, Fortier désirait aborder la condition masculine des hommes de sa génération. Il incarne tantôt un citadin qui croule sous le poids du malheur, tantôt un bouffon extériorisant les désirs inconscients de l’homme instruit par les religieux. Le public a alors droit à des moments délirants et étonnamment beaux comme une mémorable danse du ventre. À l’exception du décor, des costumes et des éclairages qui apparaissent démodés, la gestuelle des Mâles heures a su garder toute sa fraîcheur et son audace.
L’univers change radicalement dans La Tentation de la transparence (1991). Fortier nous reçoit recueilli sur une plate-forme étroite et légèrement surélevée, conçue par l’artiste Betty Goodwin. Son corps parle autant que son regard. Coiffé d’une espèce de casque d’aviateur, il livrera des mouvements fouillés, précis et évoquant l’envol d’un oiseau. Parfois le rythme est rapide, parfois lent. Et c’est souvent touchant.
Enfin, Bras de plomb (1993) se révèle le spectacle le plus exigeant pour le spectateur. Le danseur évolue dans un décor minimaliste, signé à nouveau Betty Goodwin. On le devine extrêmement concentré sur ses mouvements, lesquels se situent au niveau des bras. Son solo est divisé en quatre tableaux, et est peaufiné comme une oeuvre d’art. Mais, contrairement aux solos précédents, le corps de Fortier ne dégage aucune émotion.
Avec PAF-trois solos, le chorégraphe souhaitait tourner la page sur une importante période de sa vie professionnelle. Il peut dormir en paix, sa rétrospective a su nous démontrer sa capacité de se renouveler et de devancer les courants.
Jusqu’au 23 janvier
À l’Agora de la danse