Novembre : Un mois à la campagne
Si Octobre 70 ou mai 80 représentent une bonne source d’inspiration, avouons qu’il fallait une bonne dose d’imagination pour voir dans les élections provinciales de novembre 98 matière à pièce de théâtre! La création «documentaire» Novembre, d’Annabel Soutar, réussit pourtant cet exploit…
Si Octobre 70 ou mai 80 représentent une bonne source d’inspiration pour les artistes, avouons qu’il fallait une bonne dose d’imagination pour voir dans les élections provinciales de novembre 98 matière à pièce de théâtre! La création «documentaire» Novembre, d’Annabel Soutar, réussit pourtant cet exploit, en mettant en scène 32 personnages dont les répliques sont toutes tirées d’entrevues réalisées avec des citoyens d’un peu partout en province. Du prêtre gaspésien bavard à la candidate déprimée d’un comté perdu d’avance, tous auront droit à leurs 15 minutes de gloire…
Avec le metteur en scène Alex Ivanovici, Annabel Soutar a parcouru le Québec durant un mois pour recueillir les états d’âme de quidams et d’organisateurs politiques. Elle s’est ensuite amusée à théâtraliser des extraits de ces entrevues. Il s’agit de sa troisième incursion du côté de ce qu’elle qualifie de _«théâtre documentaire».
Divisée en quatre parties, cette pièce caustique se compose de monologues, entrecoupés par les discussions de taverne d’un groupe de fêtards. On dirait un croisement entre un reportage du Point (on interviewe un pêcheur gaspésien, deux autochtones de la Côte-Nord, un gay de Trois-Rivières) et un show d’étudiants en théâtre (16 comédiens, des costumes style Village des Valeurs et des tonnes de bonne volonté)…
Ingénieux, le décor est constitué de cinq espaces cubiques creusés dans un immense mur. L’effet rappelle – en beaucoup plus modeste – celui de l’édifice de la pièce Willy Protagoras de Wajdi Mouawad.
Parmi les personnages excentriques et authentiques de Novembre, la palme de la truculence revient au comédien Lou Vani qui campe, notamment, un vendeur d’appareils électroniques doté du gros bon sens. La distribution est étonnamment hétérogène, et les quinze autres comédiens offrent le meilleur comme le pire.
En donnant la parole à des gens ordinaires sur la question nationale, et en choisissant de faire ressortir le ridicule de certains d’entre eux (dont trois imbéciles heureux de l’ADQ), Annabel Soutar prouve qu’elle possède un solide sens de la dérision. Dommage qu’elle ait mis son talent au service d’une cause usée à la corde… Car malgré ses nobles intentions – «Novembre ravive l’art du politique», croit-elle -, l’auteure a fait un pari risqué en prenant comme matériau une campagne électorale d’aussi peu d’intérêt.
Jusqu’au 5 février
Au Théâtre du Maurier du Monument-National
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