Charlotte Sicotte : À bout de souffle
Créée en 1989, dans la mise en scène de Michel Fréchette et Michel P. Ranger du Théâtre de l’Avant-Pays, cette pièce de Pascale Rafie a connu une belle carrière: au-delà de quatre cents représentations! Le spectacle que la Maison Théâtre offre aux 4 à 8 ans est donc parfaitement rodé.
Charlotte a une bouille rigolote qui fait rire les enfants, mais elle se voudrait beauté fatale. Reprenant ses tiges des mains de son créateur, elle vivra jusqu’au bout sa crise d’identité. Créée en 1989, dans la mise en scène de Michel Fréchette et Michel P. Ranger du Théâtre de l’Avant-Pays, cette pièce de Pascale Rafie a connu une belle carrière, comme plusieurs productions jeunes publics: au-delà de quatre cents représentations! Le spectacle que la Maison Théâtre offre aux 4 à 8 ans est donc parfaitement rodé.
Ainsi, rien ne va plus derrière le castelet d’Eugène, le marionnettiste: Charlotte est partie trouver son «vrai moi», c’est-à-dire un visage gracieux à l’image de la belle Charlotte intérieure… sûrement bien plus joli que cette frimousse au nez en forme de muffin et ces cheveux dressés comme des brins d’herbe! Mais son errance lui révélera que sa tête à elle, au fond, elle y tient… comme à la prunelle de ses yeux, même s’ils sont ronds «comme des ronds de poêle».
Deux expériences marqueront son parcours, chacune apportant sa leçon. Elle rencontrera d’abord d’élégantes marionnettes à fils, dont le style classique, très XVIIe, maniéré, lui fera envie. Mais aller contre sa nature profonde n’est guère sage: en voulant les imiter, la pauvre marionnette à tiges, maladroite, s’emmêlera dans ses nouveaux appas. Puis elle croira avoir trouvé la solution quand un monstre charlatan lui proposera une chirurgie plastique sur mesure, opération qui n’apportera pas la beauté vénusienne espérée… Un bras sur la tête, un troisième oeil: décidément, elle était mieux avant! Or, l’attrait qu’elle exercera désormais sur les monstres lui rappellera ce qu’elle avait un peu oublié: les critères de beauté sont fort relatifs et sa bouille à elle en vaut bien une autre. Car certes elle est drôle, mais elle n’en plaît pas moins… À son créateur d’abord, son camarade de scène Timothée, qui ne sait plus à quel saint se vouer depuis qu’elle est partie; et au public, bien sûr, qui l’assurera de son amour.
Composéde grandes boîtes blanches empilées, sur lesquelles les éclairages de Claude Cournoyer peuvent jouer en toute liberté, le décor de Martin Ferland se fait complice des apparitions-disparitions, qui bien sûr ne manquent pas de mystifier les enfants: «Elle est partie par là! Oh, la revoilà!» Des chansonnettes, sur la musique de Joël-Vincent Bienvenue, égayent le spectacle, notamment celle des Mollassons polissons, ces monstres affreusement sympathiques.
Du côté de la manipulation, il est original de voir ici deux des quatre marionnettistes (Sylvain Gagnon, André Meunier, Louise Anouk Ouellet et Jacques Piperni) travailler tantôt dissimulés, tantôt à la vue, révélant de façon impudique le corps cul-de-jatte de Timothée. Ces ruptures de l’illusion provoquent des instants de souffle suspendu, comme si la marionnette cessait de respirer, puis reprenait vie… Les créateurs ont trouvé là le moyen de «montrer» leur art aux enfants, qui peuvent par ailleurs poursuivre leur exploration de la marionnette en visitant l’exposition qui accompagne le spectacle.
À travers le personnage du marionnettiste qui évoque sa passion pour l’invention artistique, le Théâtre de l’Avant-Pays ouvre les enfants à l’univers de la création. Mais le rôle essentiel de ce spectacle se trouve surtout, selon moi, dans les petites leçons de vie récoltées par Charlotte, qui ne manqueront pas de rassurer les enfants, car les attributs physiques sont hélas! assez vite source de préoccupation, dans notre monde saturé par la publicité qui surévalue l’image et encourage les gamines à se maquiller dès l’école primaire.
Jusqu’au 20 février
À la Maison Théâtre
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