Fragile Lumière : La traversée du désert
Scène

Fragile Lumière : La traversée du désert

Lucie Grégoire est chorégraphe depuis presque vingt ans. Elle a été formée chez le réputé Merce Cunningham, a dansé quelques années en Europe, et a été initiée au butô. Avec un tel curriculum vitae, on s’attend de son dernier spectacle à du grandiose, du magique. Or, Fragile Lumière nous laisse perplexes pour ne pas dire déçus.

Lucie Grégoire est chorégraphe depuis presque vingt ans. Elle a été formée chez le réputé Merce Cunningham, a dansé quelques années en Europe, et a été initiée au butô. Avec un tel curriculum vitae, on s’attend de son dernier spectacle à l’affiche de l’Agora de la danse à du grandiose, du magique. Or, Fragile Lumière nous laisse perplexes pour ne pas dire déçus.
Difficile de déceler les influences de Cunningham ou du butô dans son trio féminin. Dans sa note inscrite au programme, on lit que trois femmes s’abandonnent à leur destin, entre le désir de prendre racine et l’appel du voyage. Pour cela, la chorégraphe s’est inspirée de danses traditionnelles marocaines. Mais les traces de son voyage au Maroc restent à peine visibles à l’oeil nu.
Bien sûr, il se dégage de sa danse une belle fluidité et une certaine facture classique, comme ces tournoiements et ces grands mouvements de bras synchronisés qui ponctuent le début du spectacle. À un autre moment, lorsque la musique devient rapide et rythmée, la danse de Lucie Grégoire et de Sandra Lapierre apparaît vive et intéressante. Malheureusement, la chorégraphe n’a exploité ce filon que trop bièvement. Elle a plutôt préféré mélanger les styles, alternant fluidité et étrangeté. Et le mariage n’est pas toujours heureux. On se demande bien pourquoi telle danseuse sautille dans un coin avec un regard hypnotisé, ou que ses partenaires relèvent et défont sans cesse leurs cheveux. Peut-être est-ce là l’évocation du combat que se livrent les personnages entre l’appel de la liberté et la tradition? Allez savoir! On a beau répéter que chercher une signification à une oeuvre chorégraphique est inutile, n’empêche que, cette fois-ci, on a l’impression de suivre un fil conducteur qui nous échappe. Et les danseuses n’y sont pour rien. Elles tirent toutes bien leur épingle du jeu.
En fait, c’est par la musique que l’on plonge au coeur du désert marocain. Comme à son habitude, la chorégraphe s’est entourée de ses vieux complices. Le compositeur Robert M. Lepage sine une musique ensorcelante, composée de rythmes traditionnels (chant mourride) et contemporains. Les costumes de Dodik Gédouin-Fall sont magnifiques et valorisent la féminité: des robes longues confectionnées avec du velours et du coton, dans des couleurs chatoyantes. Vêtue de la sorte, la danseuse Maria Kefirova se compare à une princesse du conte des Mille et Une Nuits, avec son corps élancé et ses grands yeux noirs.
Enfin, les éclairages sobres d’Alain Lortie, évoquant les couleurs chaudes du soleil, et les immenses toiles blanches du scénographe Marc-André Coulombe, derrière lesquelles se cachent les projecteurs, enrichissent l’esthétique du spectacle. Mais qu’on se mette à admirer la scénographie au lieu de la danse, voilà un indice d’un malaise certain. Si le contenu avait été à la hauteur du contenant, sans doute serions-nous sortis enchantés du spectacle. Dommage.

Jusqu’au 12 février
À l’Agora de la danse

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