Croisades : Prendre les armes
Scène

Croisades : Prendre les armes

Croisade pour la paix que ce Croisades du Français Michel Azama? En confrontant le spectateur à la guerre dans toute son horreur, cette pièce a tout du plaidoyer pour la réconciliation entre les peuples…

Croisade pour la paix que ce Croisades du Français Michel Azama? En confrontant le spectateur à la guerre dans toute son horreur, cette pièce a tout du plaidoyer pour la réconciliation entre les peuples… Créée en Avignon il y a douze ans, la tragi-comédie d’Azama aborde sans détour le thème de la guerre d’une façon aussi efficace que troublante. Pour donner encore plus de punch à ce coup de poing théâtral, Les Créations Diving Horse, que dirige Phoebe Greenberg, ont misé sur la spécialité de la compagnie: les bouffons. Les clowns grotesques et un peu fous élaborés en atelier ont le privilège de ne pas connaître de tabous: ils peuvent se moquer de la guerre, de la mort ou de Dieu, et rendre cocasses des scènes qui seraient autrement d’une insoutenable cruauté…

Le metteur en scène Robert Astle a fait de Croisades une pièce-cauchemar, portée par des victimes et des bourreaux affreusement humains. À la tête de cette cérémonie macabre, deux vieillards repoussants (Daniel Parent et Nathalie Claude) au sens de l’humour douteux – devant un foetus mort, le vieil homme lancera: «Ah, mourir sans avoir vu Venise!» Il est bossu, elle a des airs de sorcière et, ensemble, ils guident les victimes de la guerre vers l’au-delà. Sous leurs yeux fous passera un cortège d’hommes et de femmes posant ou subissant des gestes atroces, tels tuer un ami d’enfance, tirer à bout portant sur une femme enceinte ou descendre une vieille dame qui puisait de l’eau.

L’horreur contenue dans le texte de Croisades est bien rendue par une distribution qui fait de la bouffonnerie un art. De cette parade de personnages se détache Ismail (Patrick Olafson-Hénault), un garçon innocent qui se transforme en tueur sanguinaire. Véritable grenade dégoupillée, il nous tient en haleine par son jeu survolté. Mentionnons aussi la performance pétillante, quoique inégale, de Suzanne Lemoine, en Rambo maquillée. Patrice Coquereau incarne pour sa part une Maman Poule moins charismatique, commentant l’action d’un ton plaignard du haut de sa passerelle.

Ces personnages évoluent sur une sorte de piste de cirque, bordée de spectateurs assis face à face, piste qui rappelle les rues de Sarajevo, avec ses tireurs embusqués et ses barrages militaires. Tous sont vêtus de costumes exubérants et magnifiques, d’un affreux beige médical.

Au final, Croisades se révèle une production exigeante (trois heures, entracte compris) qui a le mérite d’aborder de front les maux qui ravagent les contrées mises à feu et à sang. La guerre est un charognard qui se nourrit de la folie des hommes…

Au Théâtre Prospero

jusqu’au 4 mars.