Scène

La Face cachée de la lune : La conquête de l’espace

«Il a influencé le théâtre au XXe siècle, et on retrouve dans sa pratique le germe de ce qui sera dans les prochaines années. Pour représenter le XXIe siècle, qui d’autre que Robert Lepage?» s’exclame Marie-Thérèse Fortin, directrice artistique du Trident. Rencontre avec cet artiste de renommée internationale, qui parle de son dernier voyage: vers la  lune.

Pour son quatrième spectacle solo, Robert Lepage explore un univers dont la puissante «force d’évocation poétique, symbolique, mythologique, même» sert de déclencheur à la création: la lune. Au fil du travail de réflexion et de recherche – géologie de la lune, conversations avec Edwin Aldrin, deuxième homme à avoir foulé le sol lunaire -, l’idée du spectacle, conçu notamment en collaboration avec Peder Bjurman et Adam Nashman, s’est modifiée. Robert Lepage choisit de s’inspirer de son passé; sa jeunesse a été «influencée, hantée par les voyages dans l’espace», sa naissance coïncidant avec le début du programme spatial américain.

À travers des réflexions intimes et des souvenirs sont évoqués des éléments, «des indices des programmes spatiaux américain et soviétique», dont certains prennent l’allure de découvertes. «De ce côté du rideau de fer, on ne sait rien du travail de pionniers des Soviétiques pour l’exploration de la lune», dont ils ont visité, notamment, la face cachée.

Robert Lepage prend donc pour matière, dans ce spectacle, des éléments peu connus: des bribes, longtemps enfouies, du passé de son personnage qui fait le point sur sa vie, et l’apport des Soviétiques dans la «course vers la lune». Même si l’histoire s’inspire en partie d’éléments biographiques, l’artiste y goûte «le plaisir de déguiser la vérité». On y trouve une «histoire architecturée, et des personnages fictifs», que joue Robert Lepage avec la complicité du comédien Marco Poulin. Comme dans ses dernières pièces, Lepage utilise la technologie. Mais il assure qu’il s’agit d’un «spectacle assez simple, assez dépouillé: assez sage. Les gens seront surpris», dit-il.

Dans ses créations, Robert Lepage mêle à l’histoire de ses personnages de grands événements, de grands artistes ou de grands mythes: Léonard de Vinci, Jean Cocteau et Miles Davis, Hamlet, et enfin, les premiers pas sur la lune. «J’ai beaucoup de plaisir à être ébloui. On passe beaucoup de temps à se prouver des choses, à se faire aimer; mais on oublie d’admirer, d’être ému par des plus grands que nous».

À cet hommage se greffe, dans La Face cachée de la lune, une note nostalgique. «La lune est considérée comme un sujet clos, de nos jours; et c’est un peu triste. On s’emballe pour quelque chose d’inconnu, on en fait le tour très vite, ensuite on l’abandonne».

Mais d’où vient, finalement, ce rêve de marcher sur la lune? s’interroge le créateur. «Fondamentalement, du désir de se mettre les deux pieds là et de regarder la terre, qu’on voit alors différemment, comme appartenant à quelque chose de plus grand». L’exploration de l’espace nous en dit long, finalement, sur nous-mêmes… Si le voyage vers la lune permet de comprendre la terre, la face cachée de cet astre devient image de ce qu’on ignore, de ce qu’on ne voit pas. Lepage glisse: «On a l’impression qu’on connaît la lune, parce qu’on la regarde tous les soirs. Pourtant, c’est toujours le même côté qu’on en voit.»

Du 29 février au 24 mars

Au Grand Théâtre
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