Trick or Treat : Bas les masques
Entre télévision et présidence de l’Union des artistes, PIERRE CURZI part cet hiver en tournée avec Ben, chef d’une petite pègre de quartier. Il l’emmènera bientôt sur scène au Périscope, dans une production du Théâtre de La Manufacture.
Personnage de la pièce Trick or Treat de Jean-Marc Dalpé, auteur d’origine franco-ontarienne, Ben est confronté à deux événements marquants, selon le comédien qui l’incarne: la trahison, dans ce milieu où règne la «loi de la jungle», et la rencontre avec un jeune prêt à traverser la frontière le menant dans ce monde, et qu’il est tenté d’empêcher.
La pièce est composée de cinq tableaux, entrecoupés de monologues oniriques. Chaque étape présente les personnages et leur univers, jusqu’au soir d’Halloween où tout bascule, dans le tableau intitulé Trick or Treat, point culminant de ce «thriller». Chaque partie fait monter la tension d’un cran, et le spectacle tient le public en haleine jusqu’au bout. Jouer cette pièce demande «un effort énorme, physiquement et mentalement», explique le comédien, afin de créer et de maintenir cette tension qui, réussie, est «drôlement efficace». «Au théâtre, la proximité physique permet de sentir – et de faire sentir – la moindre réaction, la moindre variation dans l’émotion.»
Rythmée, rapide, cette pièce, mise en scène par Fernand Rainville, peint un monde sordide. Mais elle n’est pas que sombre: elle est faite aussi de rires, de relations humaines. Toutefois, «au bout du compte, confie Pierre Curzi, cette pièce montre que dans notre société, la violence apparaît comme valeur dominante, valeur fondatrice des rapports».
«Il y a sûrement un potentiel de révolte dans cette pièce-là», poursuit-il. Montrant un milieu dur, à l’image de notre société où règne la loi du profit, où domine le plus fort, le texte suscite une interrogation sur ce qui produit de telles situations. «On n’y retrouve aucune charge, aucune leçon de morale», insiste le comédien. «Les personnages sont attachants et non repoussants; on finit par les comprendre… Tu sens qu’il y a des gens pris dans cet univers-là, contraints à agir ainsi pour vivre.» La langue, même, y est symptôme. La pièce est écrite dans un «français hachuré, tordu, mêlé d’anglais, témoin d’un creuset social où les mts sont acérés. Mais il y a une poésie dans ce langage râpeux», affirme Curzi.
Dans ce milieu brutal, «chacun des personnages est aux prises avec des problèmes plus grands que lui, qui risquent de l’écraser». Bien que très moderne et ancrée dans l’urbanité, la pièce de Dalpé, par cette impuissance des personnages, atteint une force tragique.
D’ailleurs, estime le comédien, cette pièce devrait pouvoir «voyager beaucoup» et «connaître une expression dans plusieurs langues»; c’est déjà le cas en anglais, ce le sera bientôt en allemand.
Le périple de la pièce commence ce mois-ci, par une tournée qui mènera l’équipe de création, dont l’auteur qui incarne un de ses propres personnages, principalement au Québec, dans quelques villes de l’Ontario et à Vancouver. Un des défis en tournée, c’est de retrouver, chaque soir, le feu. Pierre Curzi, qui apprécie autant télévision, cinéma que théâtre, y voit là un des grands plaisirs de la scène: «recommencer l’impossible».____
Du 29 février au 11 mars
Au Théâtre Périscope
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