Une lune d'eau salée : Passé composé
Scène

Une lune d’eau salée : Passé composé

Après Winnipeg et Toronto, le Théâtre de l’Île, de Hull, fait escale à Montréal pour y présenter Une lune d’eau salée, du dramaturge canadien David French, dans une traduction d’Antonine Maillet.

Après Winnipeg et Toronto, le Théâtre de l’Île, de Hull, fait escale à Montréal pour y présenter Une lune d’eau salée, du dramaturge canadien David French, dans une traduction d’Antonine Maillet. Ce théâtre municipal – le seul au Québec, selon la Ville de Hull – avait remporté un certain succès avec la présentation de cette production au printemps dernier, et c’est peut-être ce qui a décidé le metteur en scène Gilles Provost et son équipe à lui faire voir du pays…

Cette pièce un peu fleur bleue se veut autobiographique: elle met en scène une soirée charnière de la vie des parents de French, à Terre-Neuve. En ce soir de pleine lune de l’été 1926, Jacob Mercer (Éloi ArchamBaudoin), dix-huit ans, tente de reconquérir la belle Mary Snow (Nathalie Nadon), dix-sept ans, après s’être éclipsé durant plusieurs mois. Notre soupirant lui fera une cour empressée dans… la cour de la maison où la jeune femme est domestique. Le Roméo de Terre-Neuve n’aura pas la tâche facile, puisque sa douce a accepté d’épouser Jérôme, un rival riche à craquer.

Mary est une enfant de la guerre, elle a vu son père s’enrôler dans le but de récolter un maigre pécule, pour ensuite laisser sa peau de l’autre côté de l’Atlantique. Dans les années vingt (comme aujourd’hui), les pêcheurs de l’Est du pays n’avaient pas la vie facile, et l’on peut comprendre que l’appât du gain conduise une jeune fille à prendre pour mari un homme plutôt riche que séduisant. Jacob aura beaucoup à faire pour convaincre sa douce qu’il est celui qu’il lui faut…

Leur duel amoureux, porté avec aplomb par ArchamBaudoin et Nadon, est alourdi par la traduction d’Antonine Maillet, qui, à son habitude, a opté pour un parler acadien en manque de subtilité. Ampoulé et coloré, le style Maillet distrait. Certaines expressions font malgré tout sourire, comme le vigoureux «toé, tu dois pas t’prendre pour d’la tite marde!» de Mary. Un lexique est d’ailleurs joint au programme, ce qui permet au néophyte de comprendre ce que veulent dire «être boloxée» (gênée) ou avoir des «bessons» (jumeaux)!

Il se dégage d’Une lune d’eau salée un charme surrané qui atténue la portée d’un texte au demeurant empreint d’humour et de poésie. L’amour et l’héroïsme sont pourtant intemporels, comme en fait preuve le triomphe de l’Odyssée au TNM. Mais avec cette gentille histoire d’amour à l’ancienne, mise en scène sans imagination, le Théâtre de l’Île échoue à conjuguer le théâtre au présent…_

Au Théâtre Prospero, jusqu’au 5 mars.