Critique: La Face cachée de la lune : Objectif lune
Une fois encore, Robert Lepage éblouit. Il présente en première mondiale un spectacle solo qui n’est pas sans rappeler Vinci par son côté informatif, son humour, sa thématique du vide mais surtout, par l’intimité que crée le comédien avec les spectateurs.
Une fois encore, Robert Lepage éblouit. De retour sur scène après quelques années, il présente en première mondiale un spectacle solo qui n’est pas sans rappeler Vinci par son côté informatif, son humour, sa thématique du vide mais surtout, par l’intimité que crée le comédien avec les spectateurs.
Philippe, personnage principal, a tout récemment perdu sa mère; à travers des objets dont il ne peut se départir, il la retrouve, en même temps qu’il explore son passé. Pour l’artiste, comme pour le personnage, les objets ont une valeur; et de la même façon qu’ils inspirent le créateur, ils entraînent Philippe dans ses souvenirs. Plusieurs bribes de son passé refont surface; d’abord cocasses, elles versent souvent dans une émotion simple et vraie. Le spectacle oscille constamment entre humour et émotion. Au fil des réflexions de Philippe, il est question de perte, de peur du vide, de beauté de l’infini. Son parcours sera appuyé par de superbes images assimilant le cosmos au lieu de la beauté et de la plénitude.
Ce spectacle, inspiré de la «course vers la lune» opposant astronautes américains et cosmonautes soviétiques, raconte aussi la rivalité entre deux frères totalement différents, Philippe et André. En parallèle avec l’avancée des «frères ennemis» dans la conquête de l’espace, leur relation apparaît clairement à travers quelques situations et certains souvenirs.
Ce parallèle avec l’exploration spatiale structure également la conception visuelle du spectacle. En plus d’extraits de films sur le sujet, plusieurs scènes semblent baigner dans la lumière de la lune et les images, créées en transparence à l’aide d’objets de forme lunaire, évoquent cet astre et ceux qui l’explorent.
Lepage crée aisément la complicité avec les spectateurs. On avait presque oublié l’habileté et le naturel de son jeu, aux accents divers et convaincants. On retrouve aussi avec plaisir son talent pour créer, avec presque rien parfois, des images étonnantes. Sur scène, très peu d’objets, dont il fait naître une urprenante poésie. Sa créativité pour transformer les objets semble inépuisable, et toujours aussi ingénieuse.
La lune, croyait-on autrefois, était le miroir déformant de la terre; et sur sa face cachée se camouflaient ses blessures. Ce sont ces deux faces de la vie de Philippe que révèle La Face cachée de la lune. Théâtre intelligent, jamais inaccessible, le spectacle de Robert Lepage est rempli de chaleur et d’images d’une grande beauté. Cette pièce est un moment de plaisir; du bonheur théâtral.
Jusqu’au 25 mars
Au Grand Théâtre