Critique: Trick or Treat : Effroi ou plaisir?
Scène

Critique: Trick or Treat : Effroi ou plaisir?

Trick or Treat est une pièce d’une intensité nerveuse comme on en voit rarement au théâtre. Une pièce, urbaine, très américaine, qui peint un monde d’hommes, où se mesurent les mâles, pour voir qui mènera la meute…

On pourrait traduire l’expression «trick or treat», lancée aux portes par les enfants anglophones le soir de l’Halloween, par «malice ou friandises». Ou, plus librement, pour convenir à la pièce de Jean Marc Dalpé, par «effroi ou plaisir»…

Il y a des deux dans cette pièce d’une intensité nerveuse comme on en voit rarement au théâtre. Plaisir de la découverte devant ces personnages de la petite pègre qui se livrent par bribes, d’un tableau à l’autre, jusqu’à leur affrontement. Plaisir aussi devant l’humour râpeux de certaines situations, certains échanges. Plaisir immense, enfin, de voir sur scène un comédien de la trempe de Pierre Curzi, dont un seul geste emplit l’espace, et auquel se mesurent avec talent Jean Marc Dalpé et David Boutin, solides.

Mais malgré le sourire, l’effroi n’est jamais loin. Il surgit de la tension constante, naît devant la solitude ou l’impuissance des personnages qui, sous nos yeux, glissent dans les plus dangereux dérapages. L’effroi nous saisit devant la dureté et la vérité des situations; c’est un univers sans merci que montre Trick or Treat, métaphore d’un monde où la puissance mène toujours.

Le plus souvent, plaisir et effroi cohabitent et se mélangent, issus de l’ensemble. La mise en scène de Fernand Rainville et le jeu des comédiens sont rapides, nerveux, créant la «contagion» chez les spectateurs. Certains passages, d’une efficacité redoutable, amènent le public à faire un avec le personnage, dans un instant où chacun retient son souffle. Les intermèdes entrecoupant les tableaux, monologues racontant des rêves, souvent d’inspiration biblique, sont plastiquement très beaux, par l’utilisation de l’éclairage et les projections de texte. Ces moments poétiques contrastent fortement avec l’ensemble, ravivant l’impression que chaque personnage, pourtant si dur dans sa vie diurne, est habité, profondément, d’incertitude.
La pièce, urbaine, très américaine, peint un monde d’hommes, où se mesurent les mâles, pour voir qui mènera la meute. Enfouis dans une carapace nécessaire à leur survie, ils sont constamment rattrapés par une sensibilité d’autant plus bouleversante qu’elle crée un contraste percutant avec l’indifférence, la violence même dont ils sont capables. Car le désespoir de voir la maladie de sa mère n’empêche pas l’insensibilité ou la cruauté la plus insouciante.
La pièce de Jean Marc Dalpé est dominée par ces personnages imprévisibles, à la fois inquiétants et vulnérables.
Dans Trick or Treat, comme un soir d’Halloween, il semble que tout puisse arriver.

Jusqu’au 11 mars
Au Théâtre Périscope