Danièle Desnoyers : Métal hurlant
Scène

Danièle Desnoyers : Métal hurlant

Danièle Desnoyers, une interprète sensible et raffinée, s’est imposée comme chorégraphe dès sa première création en 1986. Concerto grosso pour corps et surface métallique est son oeuvre la plus récente.

Une fois retombée la poussière d’étoiles soulevée par le Festival de Nouvelle Danse, l’automne dernier, certaines des chorégraphes montréalaises les plus scintillantes peuvent enfin prendre le temps de nous présenter leur dernière création qui n’a pu bénéficier de toute l’attention voulue. C’est le cas de Danièle Desnoyers et sa compagnie le Carré des Lombes qui clôturaient le FIND, dans l’ébullition d’une fin de festival. Elle revient à l’Agora de la danse pour cinq soirs, du 14 au 18 mars, pour nous faire voir et… entendre sa pièce la plus récente, Concerto grosso pour corps et surface métallique.

La chorégraphe Danièle Desnoyers, un puits de curiosité intellectuelle et artistique, s’abreuve abondamment de musique et de littérature, mais c’est la musique qui constitue sa source d’inspiration la plus constante. Et, contrairement aux pièces précédentes qui affichaient des titres poétiques, Concerto grosso pour corps et surface métallique annonce ses propositions sans détour-: il est question de musique et de mouvement… Discordantia, la pièce précédente, s’était avérée un point tournant -dans le rapport très étroit qu’elle entretient avec la musique-: elle choisissait alors d’utiliser des pièces issues d’un répertoire existant, d’en faire sa propre lecture et de la mettre en scène en rapport avec la danse. Sa dernière création va encore plus loin, ou plutôt … ailleurs. «Concerto grosso a vu le jour parce que j’ai fait Discordantia, une pièce dans laquelle j’ai examiné le rapport entre la danse et la musique, où parfois la musique prédomine sur la danse et inversement. Il ne s’agissait pas de répéter ça, mais plutôt, cette fois, d’entendre le mouvement, tout simplement. J’avais envie de voir comment ça résonne un mouvement. Je voulais en révéler la sonorité, la musicalité. Il a fallu que je trouve une façon de faire résonner ce mouvement-là, d’où la surface métallique, d’où l’usage d’une technologie pour appuyer le propos.»

Il y a donc une surface de métal sur laquelle les cinq interprètes, Stéphane Deligny, Anne Le Beau, Jacques Moisan, Catherine Tardif et Siôned Watkins, chaussés de souliers ferrés, vont à la fois dessiner des mouvements et en faire surgir des sonorités étonnantes et fascinantes. Mais plus encore, ce frottement sera accentué par des manipulations électroacoustiques. Et c’est à ce stade-là qu’est intervenue la conceptrice sonore Nancy Tobin. Une collaboration qui s’est avérée très riche en surprises, dit Danièle Desnoyers: «J’ai conçu l’environnement scénique aussi parce que je pressentais que le frottement des deux surfaces, métal contre métal, allait provoquer une sonorité intéressante. J’ai d’abord travaillé cette dimension-là en studio, avec une interprète. Et après avoir développé un certain vocabulaire, une certaine physicalité, je me suis dit qu’il était temps que j’approche un concepteur sonore qui verrait là où je voulais aller. J’ai invité Nancy Tobin en studio, elle a fait des enregistrements de base, mais après une écoute, elle a suggéré de faire un traitement du son. Moi, je pressentais qu’il y avait un potentiel de ce côté-là, mais c’est vraiment Nancy qui l’a développé.»

Une expérience originale pour le spectateur, car il peut appréhender le mouvement, non seulement par sa perception visuelle, mais aussi par les effets produits dans son propre corps par les vibrations créées par les interprètes-: «Quand on a développé la conception de cette pièce-là, ce qui était important pour nous, c’était d’atteindre le spectateur par des lois physiques, purement et simplement. Et d’amener le spectateur à être touché à distance. Et comme la vibration est générée par le mouvement, il y a deux phénomènes qui se multiplient.»

La musique, quand même, n’est pas absente. Outre l’évocation dans le titre d’une forme musicale, des extraits d’oeuvres contemporaines pour piano viennent ponctuer la chorégraphie de façon poétique. Sans compter cette gestuelle si finement ciselée qui, cette fois, s’est inspirée de la calligraphie chinoise. Non seulement cette écriture glisse au sol, comme une partition dessinée par les jambes des interprètes mais s’imprime aussi dans leur corps, particulièrement chez ce personnage étrange, incarné par Siôned Watkins, qui semble faire le guet et réverbère toutes les modulations gestuelles et sonores de l’espace scénique.

Danièle Desnoyers, une interprète sensible et raffinée, s’est imposée comme chorégraphe dès sa première création en 1986. Concerto grosso pour corps et surface métallique est l’oeuvre la plus récente d’un cycle très fécond qui a vu 11 créations en 10 ans. Reconnue pour sa gestuelle inventive, sa rigueur formelle et son imaginaire très riche, la chorégraphe nous offre ici une fascinante aventure sensorielle qui porte sa marque et qui ouvre à tout un univers d’exploration, la sienne, la nôtre.

Du 14 au 18 mars
À L’Agora de la danse
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