Entrevoir : Envers et contre tous
Premier texte porté à la scène de Pierre-Olivier Pineau, Entrevoir est une étrange comédie aux accents orwelliens qui dénonce la «_société de manipulation» dans laquelle l’auteur a l’impression de vivre. Du théâtre engagé, version futuriste.
Entrevoir
: Voilà un drôle de titre pour une création qui ne laisse rien dans l’ombre. C’est pourtant ainsi que Pierre-Olivier Pineau a choisi de nommer son premier texte porté à la scène, une étrange comédie aux accents orwelliens qui dénonce la «_société de manipulation» dans laquelle l’auteur a l’impression de vivre. Du théâtre engagé, version futuriste.
En voulant mettre en lumière l’insidieuse manipulation dont nous serions tous victimes, Pierre-Olivier Pineau a écrit un pamphlet théâtral qui manque de subtilité. Le jeune auteur, dont quelques textes ont été interprétés dans des bars de la rue Saint-Denis, a un parcours intrigant: bachelier des HEC, maître en philosophie, il s’intéresse à la question de la déréglementation de l’électricité au point d’avoir entrepris un doctorat sur le sujet. Souhaitons à Pineau d’arriver – comme Michel Vinaver, ancien p. d. g. chez Gillette et dramaturge respecté – à profiter de ses connaissances industrielles pour dénoncer de l’intérieur certaines failles, au lieu de se révolter en bloc contre le système, comme il le fait actuellement…
Entrevoir met en scène Sarto (Pascal Patenaude), un pauvre bougre contraint à faire pénétrer une mystérieuse boîte blanche à l’intérieur de l’Office des vérifications, où travaillent des fonctionnaires qui contrôlent… absolument tout! Pour y faire entrer cet outil qui a le pouvoir de répandre des idées dans la mémoire de ceux qui s’en approchent, Sarto tentera d’obtenir l’aide de deux amies: l’ambitieuse et machiavélique Enka (Josée Gagnon), une communicatrice qui se cherche un boulot, et la naïve et enjouée Akeen (Violaine Paradis), employée de l’Office.
Sarto, Enka et Akeen se heurteront à un couple hallucinant de patrons (Nathalie Costa et Michel Lavoie, excellents) dont les répliques teintées d’humour absurde donnent lieu aux meilleurs moments de la pièce. Vêtus de costumes futuro-kitsch, les comédiens dirigés par Julien Blais s’échangent leurs répliques sur un ton sérieux, tout en se servant abondamment des accessoires (des blocs blancs et des grillages, imaginés par le scénographe Étienne Proulx) qui meublent un espace de jeu bordé de gradins. Ces cubes blancs deviendront, entre autres, des instruments-clés de l’épreuve finale qui opposera Enka à la douce Akeen.
Décrit comme un «drame loufoque sur la manipulation», Entrevoir fait rarement rire et n’émeut pratiquement jamais, malgré l’intelligence de son propos. Il y a, dans cette pièce, plus de raison que de passion. Dommage qu’avec cette lourde pièce, Pierre-Olivier Pineau ait visé la tête avant le coeur…
Jusqu’au 11 mars
Au Théâtre du Maurier du Monument-National
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