Les vieux ne courent pas les rues : Drôle de vieillesse
À l’origine, la première pièce de Jean-Pierre Bouche, Les vieux ne courent pas les rues, créée la semaine dernière au Théâtre d’Aujourd’hui, dans une mise en scène de René Richard Cyr, est animée par un sentiment de révolte envers la façon dont la société traite ses aînés.
À la base, la première pièce de Jean-Pierre Boucher, Les vieux ne courent pas les rues, créée la semaine dernière au Théâtre d’Aujourd’hui, dans une mise en scène de René Richard Cyr, est animée par un sentiment de révolte envers la façon dont la société traite ses aînés. Auteur de romans et de nouvelles (dont le recueil La Vie n’est pas une sinécure), Boucher affirme avoir laissé la rage de ses personnages s’exprimer dans sa pièce. Entre certaines répliques teintées d’acide, on entend d’ailleurs des critiques que le dramaturge fait contre l’acharnement thérapeutique ou notre pauvre système de santé.
La réalité des aînés est peu montrée au théâtre. C’est donc avec intérêt que j’ai assisté à la production du Théâtre d’Aujourd’hui. D’emblée, la scénographie de Richard Lacroix (le mur imposant d’un couloir d’un foyer d’accueil, la Résidence des Anges, qui traverse la scène, avec une fenêtre au milieu qui semble être le seul point de fuite) suggère un sentiment d’isolement, voire d’enfermement.
Effectivement, sur les planches, les huit vieux résidants sont seuls, ignorés, abandonnés (on ne voit aucun membre du personnel ou de leur famille tout au long de la pièce) et anxieux. En attendant la mort qui est tout au bout, avec la peur au creux de l’âme, ils vivent donc du mieux qu’ils peuvent: l’une en se bourrant de pilules, l’autre de chocolats; l’un en s’accrochant à un amour perdu, l’autre en soignant son amoureuse aveugle.
On pense brièvement à la magnifique réplique d’Albertine à 70 ans, dans la pièce de Tremblay: «Une femme vide, devant une télévision vide, dans une chambre vide qui sent même pas bon; c’est ça qu’on appelle une vie bien remplie?» Ô vieillesse ennemie…
En entrevue, Jean-Pierre Boucher a affirmé souhaiter qu’à la sortie du Théâtre d’Aujourd’hui, les spectateurs partagent sa révolte. D’autant plus que le vieillissement sera LA question sociale de demain avec les baby-boomers qui grisonnent de plus en plus.
Malheureusement, Les vieux ne courent pas les rues a un grave problème de ton. Hésitant entre un humour grinçant et un propos sérieux, l’auteur a truffé sa pièce de répliques légères, de boutades, et d’anecdotes inutiles pour désarmorcer le tragique de la situation.
Il n’a pas voulu s’apitoyer sur le sort de ses personnages, sur leur désespoir, leur tristesse ou leur maladie. Sage décision. Car la pièce aurait pu tomber dans le pathos. Mais cela semble l’avoir empêché d’aller en profondeur et de développer des personnages complexes.
Malgré une distribution prestigieuse et l’expérience de huit comédiens âgés de 60 à 80 ans (Janine Sutto, Huguette Oligny, Monique Mercure, Gilles Pelletier, Pierre Collin, Catherine Bégin, Claude Gai et Marthe Choquette), j’ai passé la soirée avec un sourire au coin des lèvres mais jamais je n’ai ressenti d’émotions véritables.
Finalement, c’est davantage le comique que le tragique qui ressort de cette pièce. Hélas, la révolte s’accorde assez mal avec la comédie.
Jusqu’au 25 mars
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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