Robert Lepage : Cent fois sur le métier
Scène

Robert Lepage : Cent fois sur le métier

ROBERT LEPAGE était de passage à Montréal lundi dernier pour faire la promotion de La Géométrie des miracles. Et le petit génie des planches a promis à la presse que le public verrait la version la plus aboutie de cette création inspirée de la vie de l’architecte américain Frank Lloyd Wright.

Robert Lepage est-il victime de son succès? En conférence de presse, lundi dernier au Café de l’Usine C, le metteur en scène a avoué qu’il préférerait présenter ses créations dans de petites salles, en atelier, devant un public ouvert à l’expérimentation et au travail sur la forme. Mais voilà: les producteurs s’arrachent la star et programment ses spectacles dans des festivals internationaux qui comptent sur lui pour vendre des billets. Dur, dur d’être une vedette…

C’est connu: comme le vin, les spectacles de Robert Lepage se bonifient avec le temps. Depuis 1984, avec Circulations qui lui a donné la reconnaissance du milieu et de la critique, l’homme de théâtre persiste à signer des créations collectives qui se construisent au fil des représentations; des work in progress dans lesquels qui trouvent leur sujet en cours de route. «Je suis aussi cinéaste, souligne Lepage. Et quand je prépare un film, je dois m’obliger à une rigueur au niveau de l’écriture. Contrairement au théâtre, tout est écrit dans le moindre détail avant de commencer à tourner. Le théâtre est un art beaucoup plus souple que le cinéma.»

Calme et visiblement fatigué (entre autres projets, Lepage vient de créer son quatrième one man show, La Face cachée de la lune, au Trident à Québec), le metteur en scène est venu rencontrer la presse montréalaise pour lui parler de La Géométrie des miracles, qui sera présentée à l’Usine C, dès le 16 mars. Cette création inspirée de la vie de l’architecte américain Frank Lloyd Wright a connu plusieurs étapes. «Elle était informe lors de la première au World Stage Festival de Toronto, en avril 1998», a avoué Lepage. Depuis, le spectacle a fait le tour du monde et reçu des critiques élogieuses, de Singapour à New York.

Le public montréalais peut donc se compter chanceux de passer après tout le monde. Au bout de deux ans de travail, de coupures et de réajustements, c’est la forme la plus aboutie de La Géométrie des miracles qu’on verra à l’Usine C. «Avec les années, on a appris qu’il valait mieux présenter des spectacles achevés à Montréal», a commenté sereinement Lepage.

«C’est un spectacle assez chorégraphique (la chorégraphe Catherine Tardif fait partie de l’équipe de créateurs), avec une distribution internationale qui utilise quatre langues mais qui reste profondément nord-américaine. À l’origine, il est né autour du projet de la rénovation de la Caserne Dalhousie, dans le Vieux-Québec (où réside actuellement la troupe de Lepage, Ex-Machina), et des préoccupations architecturales que nous partagions alors. Puis, la pièce est devenue prétexte à parler de quelque chose de plus grand, qui nous a dépassés, pour finir par faire un parallèle entre les démarches formelles et spirituelles de deux grands maîtres du vingtième siècle: Frank Lloyd Wright et le philosophe russe Georges Gurdjieff.» Les créateurs ont ajouté des réflexions sur l’idée de collectivité de travail qui nourrit directement la démarche de Lepage. «Comme Gurdjieff, je suis aussi une sorte gourou, de chef scout, et d’organisateur… Il y a un petit côté baba cool, très années soixante-dix, dans les créations que je mets en scène. Mais je reste fidèle à la création collective; même mes spectacles solos sont collectifs.»

Dans une entrevue accordée à la journaliste Nathalie Petrowski, le metteur en scène Dominic Champagne a rendu récemment un bel hommage au travail de Lepage en affirmant: «Lepage a été le premier au Québec à dire que Peter Gabriel et Tchekhov pouvaient faire partie du même spectacle. Il a révolutionné notre façon de voir le théâtre.»

C’est peut-être pour ça que, achevées ou inachevées, les créations de Lepage demeurent toujours un événement. _

Du 16 mars au 1er avril
À l’Usine C
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