L'Autoroute : Nouvelle voix
Scène

L’Autoroute : Nouvelle voix

Après la France et Ottawa, la création de L’Autoroute en terre québécoise était très attendue… Avec elle, c’est un vent printanier, vivifiant, qui anime de sa fraîcheur la Maison Théâtre.

Après la France et Ottawa, la création de L’Autoroute en terre québécoise était très attendue… Avec elle, c’est un vent printanier, vivifiant, qui anime de sa fraîcheur la Maison Théâtre. C’est que la pièce de Dominick Parenteau-Lebeuf, destinée aux enfants 9 à 12 ans aussi bien qu’à leurs parents, saisit par son sujet audacieux – une fillette et son père abandonnés par une mère en quête de «bruit et de liberté» -, et par l’acuité avec laquelle il est traité. Toujours jeune dans la hardiesse de ses thèmes et de ses approches, le Carrousel franchit ainsi le cap des 25 ans en donnant la parole à une auteure à peine plus âgée.

Pour parvenir à transcender la tristesse d’une fable sur l’abandon, il faut un tempérament d’auteur, appuyé par une mise en scène sensible comme celle, ici, de Gervais Gaudreault. Quand le spectacle commence, l’enjeu de la pièce est tangible dans cette image du père arpentant son champ, chancelant, vêtu d’un pyjama à rayures tel un prisonnier, tandis que Mouche, sa fille, est grimpée sur le toit de la maison, dominant la scène, l’oeil sur l’horizon, sur l’avenir. Il sera question de l’abandon, certes, mais aussi des clôtures qu’on érige autour de soi, de la liberté tapie en chacun, d’acceptation et de nouveau départ.

Très justes dans l’expression des émotions en cascade de leurs personnages, Réjean Guénette et Pascale Montreuil forment un duo père-fille tour à tour anéanti et révolté, selon une dynamique surprenante, où c’est l’enfant qui raisonne l’adulte. Mouche, en effet, réagira avec force lorsque P’pa décidera de faire construire une autoroute à Sainte-Léonie-des-Eaux-Claires, dans une tentative désespérée de ramener celle qui est, dit-il, son équilibre.

La scénographie de Francine Martin joue avec superbe de la pureté des lignes et plante dans une campagne chatoyante une maison dont on n’aperçoit que le toit car, à l’avant-scène, un plan incliné la cache en partie. Le père s’y tient en déséquilibre, en écho à son état émotif. Et quand l’univers familial se rétrécira (P’pa vendra le bétail, les terrains alentour et clôturera la maison), le plan laissé dans l’ombre viendra fermer l’espace scénique afin d’évoquer ce repli. Sur ce décor, il suffit de la lumière de Dominique Gagnon pour imprimer les couleurs de l’été, l’herbe ombragée, le ciel rose… Devant ces tableaux, de petits esthètes manifestaient autour de moi leur admiration à chaque changement d’éclairage.

Dominick Parenteau-Lebeuf prouve ici, après Poème pour une nuit d’anniversaire (sa première pièce, créée l’automne dernier), non seulement qu’elle possède l’une des plumes les plus fines de la dramaturgie récente, mais aussi, ce qui ne court pas les rues, un univers poétique d’une indéniable richesse. Émouvante, courageuse, sa première pièce pour enfants fait… mouche.

Jusqu’au 19 mars
À la Maison Théâtre
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