France Léa : Le mot pour rire
Scène

France Léa : Le mot pour rire

France Léa n’est pas tout à fait le type d’humoriste auquel nous avons été habitués ces derniers temps: tout en célébrant les mots, elle jette un regard contemplatif, un brin moqueur, sur le quotidien.

Dans Le chemin qui marche, elle confiait comment elle a beau vouloir cacher du mieux qu’elle peut ce qu’elle est, ce qu’elle aime, elle a malgré tout «le Grand Meaulnes qui dépasse». Dans son nouveau spectacle, Rien de trop, elle se décrit comme un cirque où les félins tentent de faire chuter une trapéziste récitant des vers de poésie. On l’aura deviné: France Léa est fascinée par les mots. Tout au long de sa carrière, trop souvent confidentielle, en sa France natale, ils lui ont servi à se chanter ou à se raconter de façon humoristique, faisant part au public de ses joies, de ses peines, de ses tourments, de ses passions.
«Parfois, l’humour révèle ma pudeur envers certains sujets, parfois il me permet d’aborder des thèmes tristes ou graves en les allégeant», explique-t-elle. Puis elle insiste qu’elle fait sourire plutôt que rire avec ses petites fables à caractère métaphysique, qu’elle se sent un peu mal avec l’étiquette «humoriste», mais qu’elle ne veut pas utiliser le terme «poésie» pour décrire ses monologues, de crainte d’effrayer les gens. «Le mot "poésie", c’est comme le mot "Dieu": ces mots-là, ils ont été tellement mal employés qu’ils sont très abîmés, très esquintés, on ne sait plus comment il faut les comprendre.» Pourtant, on ne saurait parler autrement de l’humour pratiqué par France Léa, elle qui échafaude finement chacune de ses réflexions à l’aide d’un vocabulaire recherché, un peu comme le ferait un Sol ou un Devos.
Dans Rien de trop, elle se permet «une réflexion sur notre monde actuel où il y a ce "trop" qui se propose à nous, qui peut être un peu étouffant.» Ce «trop» a deux facettes: l’une négative, l’autre positive. L’artiste française s’attarde davantage à la seconde, se lançant dans une espèce d’hommage à la beauté; beauté de la nature, beauté de la ville et même, pourquoi pas, beauté des noms, français ou québécois, tels Pointe-aux-Trembles et Chute-aux-Outardes.
Au terme d’un entretien téléphonique qui durera près de 30 minutes, celle qu, en 1992, corrigeait le destin tragique de Rimbaud en vient à avouer timidement que, si elle sait faire sourire, elle est plus qu’une comique: «La poésie étant un regard amoureux sur les choses et sur le monde, en ce sens-là, je crois que je suis un petit peu poète.»
Du 24 mars au 1er avril
Aux oiseaux de passage
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