Maître Puntila et son valet Matti : Classe à part
Scène

Maître Puntila et son valet Matti : Classe à part

Maître à penser des uns, ennemi des autres, Bertolt Brecht a marqué les scènes occidentales par ses théories du jeu et sa vision, très critique, de la société. Puisque le théâtre est un art vivant, quoi de mieux qu’une démonstration pour renouer avec ses enseignements ?

Maître à penser des uns, ennemi des autres, Bertolt Brecht a marqué les scènes occidentales par ses théories du jeu et sa vision, très critique, de la société. Puisque le théâtre est un art vivant, quoi de mieux qu’une démonstration pour renouer avec les enseignements de celui pour qui penser, écrire ou monter une pièce signifiait «transformer la société, transformer l’État, soumettre les idéologies à un examen attentif».
Présenté au Théâtre du Rideau Vert, Maître Puntila et son valet Matti est, selon son auteur, un mélange de commedia dell’arte et de la comédie de moeurs des années 40. À partir du thème usé du serviteur et de son maître, Brecht a imaginé une comédie populaire mettant en scène un bourgeois qui se transforme en Mister Hyde dès qu’il est sobre… Ces changements de personnalité soudains du maître Puntila (Raymond Bouchard) laissent son entourage perplexe, et plus particulièrement sa fille Èva (Isabelle Blais), qui hésite à épouser un attaché d’ambassade efféminé comme le souhaite son méprisable paternel (lorsqu’il n’est pas pompette). Accompagné de son perspicace valet Matti (Patrick Goyette), le riche fermier bambochera joyeusement, faisant vivre des lendemains de veille éprouvants à son entourage…
Fine réflexion sur la lutte des classes, Maître Puntila et son valet Matti est une pièce dont le texte vaut à lui seul le déplacement. En alcoolo au coeur tendre, Raymond Bouchard offre une prestation qui a du panache, bien qu’elle ne l’éloigne pas de son casting habituel de salaud sympathique; Patrick Goyette brille par son jeu teinté de dérision; Isabelle Blais campe une gosse de riche rafraîchissante; en cuisinière chargée d’interpréter des chansonnettes entre les tableaux, Pierrette Robitaille donne pour sa part une véritable caricature d’elle-même, ce qui fait tout de même rigoler l’assistance… Ils seront au total dix-neuf à monter sur scène dans cette comédie de Brecht longuette mais jamais ennuyeuse.
La mise en scène deGuillermo de Andrea transforme toutefois cette pièce intelligente en production lourdaude, dont le complexe dispositif scénique entrave le jeu des comédiens. En restant fidèle aux procédés anti-illusionnistes de Brecht, comme par exemple la visibilité des sources lumineuses et l’utilisation de panneaux (ici des projections sur un drap blanc) qui commentent les scènes de façon cinématographique, le metteur en scène se contente d’imiter, de calquer servilement le style Brecht sans chercher à le dépasser. Le dramaturge allemand ne risque pas de se retourner dans sa tombe…

Jusqu’au 8 avril
Au Théâtre du Rideau Vert
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