Sylvain Brochu : Question d’interprétation
Le fil conducteur de Fascinations, qui regroupe des oeuvres de six chorégraphes canadiens, c’est son unique interprète. SYLVAIN BROCHU: un danseur mature et toujours fou de son métier.
«Les gens me demandent souvent pourquoi, à 40 ans, je suis encore interprète. Ce que je leur dis, c’est que j’aime ça. J’aime essayer de comprendre le langage d’un chorégraphe, de le mettre dans mon corps et ensuite d’essayer de le communiquer. Moi, je trouve ça fascinant! Je vais essayer de continuer le plus longtemps possible.» Contrairement à bien des danseurs contemporains, Sylvain Brochu n’a pas l’intention, du moins pour l’instant, de sacrifier la scène et l’enseignement à une carrière de chorégraphe.
C’est peut-être au sein de la compagnie Dancemakers de Toronto que ce Sherbrookois d’origine a développé son goût pour l’interprétation. Diplômé du bac en danse à l’UQAM, il y trouva son premier engagement en 1985. Pendant quatre ans, il y a côtoyé de nombreux chorégraphes et il se considère chanceux d’avoir fait ses débuts professionnels au sein d’une compagnie de répertoire. Il s’est par la suite établi à Vancouver comme danseur indépendant. Depuis, il est invité à travers le Canada autant comme soliste que comme enseignant.
Fascinations est en quelque sorte son premier one man show. Grâce à l’invitation de La Rotonde, il a pu concocter sa propre soirée. Parmi son répertoire des 10 dernières années, il a retenu six oeuvres marquantes. «Ce spectacle-là, c’est un peu un hommage à l’interprétation. C’est le contraire du processus normal où les gens présentent leurs chorégraphies à travers leurs danseurs. Moi, je me sers des chorégraphies pour me présenter moi-même.» Il faut dire que tous ces solos ont été conçus pour lui, comme un habit sur mesure. «On le sent que ça fait partie de moi, que c’est mon répertoire à moi.»
Brochu a choisi d’encadrer la soirée avec deux pièces formelles. Il ouvre le spectacle avec celle qu’il considère comme la plus abstraite, Sweet Ed Drinks Tequila. John Alleyne, le directeur artistique du Ballet British Columbia de Vancouver, y a exploré le sentiment d’oppression. Yang de la Torontoise Peggy Baker clos la représentation sr une note énergique. Cette chorégraphie sur la masculinité est d’ailleurs la plus exigeante physiquement.
Plus théâtrales, les quatre autres pièces possèdent une certaine trame narrative. «Quand on me donne un personnage, confie Brochu, je danse encore mieux que quand je n’en ai pas.» Dans Morphosis de son vieil ami montréalais Massimo Agostinelli, il glisse peu à peu vers l’animal. Une pièce grotesque où les deux hommes ont exploité avec bonheur leur expérience commune de la commedia dell’arte. Le Narcisse de Narcissus ne se prend pas trop au sérieux. Deborah Dunn n’a pu résister à l’envie de lancer des clins d’oeil à l’Après-midi d’un faune de Nijinski: la musique de Claude Debussy y est trop associée. Shadows met en scène un immigrant finlandais. On reconnaîtra sans doute dans cette pièce de Judith Garay la marque d’un long séjour au sein de la compagnie Martha Graham. Quant au bonhomme de Sink!, «c’est un petit personnage catholique avec une voix très aiguë», tranche le danseur. C’est avec ce dernier chorégraphe, Conrad Alexandrowicz, qu’il a le plus souvent travaillé dans sa vie.
En concevant son spectacle, Sylvain Brochu s’est servi de l’humour pour faire apprécier les pièces plus abstraites. «Le rire, ça ouvre, explique-t-il. Ça détend la musculature. Ça ouvre le corps, donc ça ouvre l’esprit et le coeur. Quand tu peux faire rire les gens, tu les as de ton côté, donc ils vont te suivre dans des endroits où ils ne te suivraient pas si tu ne les avais pas fait rire au départ.»
Du 30 mars au 1er avril
À la salle Multi
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