Diane Dubeau : Toute la vérité
Scène

Diane Dubeau : Toute la vérité

Après trois ans de représentations, cinq de travail, Diane Dubeau complète son «autobiographie fictive» d’une femme artiste. Élyse III, le dernier volet de la trilogie du Théâtre de la Nouvelle Lune, sera créé à l’Espace Libre le 4 avril.

Elles sont rares, les recherches théâtrales qui s’étalent ainsi sur plusieurs années. Après trois ans de représentations, cinq de travail, Diane Dubeau complète son «autobiographie fictive» d’une femme artiste. Élyse III, dernier volet de la trilogie du Théâtre de la Nouvelle Lune, sera créé à l’Espace Libre le 4 avril.
À travers ces spectacles aux «formes extrêmement différentes», on a pu suivre, en parallèle avec l’histoire du Québec, le parcours d’une femme présentant chaque fois un visage autre. Cette fois, Élyse (Dubeau elle-même) invente trois hommes – faisant écho à l’Élyse détriplée du premier spectacle – «qui deviennent le support de son propre rêve, donc qui transposent ce qu’elle est en train de vivre. C’est plus une transposition des sensations. Le spectacle explore comment exprimer la sensation au théâtre».
Et c’est une femme qui fait parler trois personnages masculins (Daniel Desputeau, Hugues Fortin et Jean Maheux). Les mâles ne seraient-ils plus capables de parler par eux-mêmes? «Peut-être, répond Diane Dubeau en riant. La question se pose, en tout cas: ils sont rendus où, les hommes? Ils ont été définis par les femmes, depuis les années 70. Mais est-ce qu’ils se sont définis eux-mêmes? Ils ont toujours un rapport à la femme, et pas un rapport à ce qu’ils sont, eux.»
Après la Grande Noirceur et la Révolution tranquille, le spectacle numéro trois se penche sur les années 1980 à 2000. Peu de recul pour la créatrice, donc. «Ç’a a été beaucoup plus difficile. On peut avoir un avis sur les années passées, tandis que là, il faut avoir un avis sur nous-mêmes. Et à partir du moment où on veut prendre parti, il faut remettre en question sa propre morale, sa propre manière de vivre. Donc, le spectacle pose des questions sur l’individualisme galopant, le manque de pensée collective. Les relations de couple, ou leur absence, sont rendues presque à l’avant-plan de notre vie. Quand il n’y a plus d’idéologie collective, c’est vraiment le ersonnel qui prend toute la place.»
Sa présence sur scène relève plutôt d’un concours de circonstances, mais Diane Dubeau admet volontiers que ce troisième segment est probablement «le plus personnel, même si je pense avoir toujours une bonne distance par rapport à ce que je fais». Celui qui ressemble le plus au théâtre peu conventionnel auquel elle aspire. «Je rêve d’un théâtre qui soit un art véritable. Où le fond et la forme soient en adéquation. Très souvent, on se prend au calque de la vérité. Je trouve que le théâtre perd souvent sa profondeur artistique.»
L’auteure et metteure en scène s’avoue très fière d’Élyse III. «C’est intimiste, c’est une quête d’identité, et ça ne fait pas de concessions à la mode, à ce qu’il faut faire, à ce qui est théâtral. C’était nécessaire pour moi, à ce moment-ci, de refuser la demi-mesure, d’aller vraiment au bout de ce que je voulais dire, et de comment je voulais le dire, aussi. J’ai l’impression que, professionnellement, j’ai fait beaucoup de concessions, ces dernières années, sur mon propre langage.»
«Quand cède aux concessions, on tente d’être autre, avance Diane Dubeau. Et la principale chose, pas seulement pour les artistes, mais pour tout le monde, c’est vraiment de correspondre à ce qu’on est. L’authenticité supporte mal la concession. On est dans une société de faux-semblants, où on n’a plus beaucoup de valeurs d’intégrité. Alors, pour moi, il devient d’autant plus important de tendre vers une vérité avec soi-même.»

Du 4 au 22 avril
À l’Espace Libre
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