Dracula : Devine qui vient dîner?
Scène

Dracula : Devine qui vient dîner?

Le Dracula du Royal Winnipeg Ballet (RWB) s’inspire directement du roman de Bram Stoker. Mark Godden, le chorégraphe, y traite avec une pointe d’humour le mythe du vampire. Le directeur artistique André Lewis nous parle de ce ballet en trois actes qui renouvelle le genre tout en conservant la virtuosité de la danse classique.

Dracula et le ballet: deux univers qu’on n’associe pas d’emblée. Si l’idée a d’abord surpris le chorégraphe, il s’est ensuite jeté à fond dans la création de son premier ballet intégral. C’est le directeur artistique André Lewis qui lui a passé la commande. «Je trouvais que c’était une histoire qui s’adaptait bien au ballet.» Grâce au sujet, il a gagné son pari d’attirer une clientèle plus jeune. Quelques jeunes au look gothique se font, entre autres, remarquer dans la salle. Depuis la première en octobre 1998, Dracula a été présenté de Vancouver à Ottawa. L’an prochain, la tournée emportera le RWB aux États-Unis.
En introduction au ballet, la projection d’un texte raconte aux spectateurs le contexte de l’arrivée du comte Dracula en Angleterre. Le premier acte est celui de Lucy, interprétée par Tara Birtwhistle. Du point de vue de la danse, c’est le deuxième rôle en importance. Le premier étant évidemment celui de Dracula, qui est tenu par Zhang Wei-Qiang. Dès le départ, le vampire inflige la terrible morsure à la jeune fille puis on la suit du délire jusqu’à la mort. Les trois prétendants de Lucy font pleinement valoir leurs talents de danseurs, notamment Arthur au cours du «pas de deux de la transfusion». La demoiselle est aussi entourée de quatre gargouilles vivantes plutôt rigolotes. «C’était pour ajouter un côté plus léger, commente André Lewis. Elles sont vraiment cute!»
Au coeur du spectacle, le chorégraphe prend ses distances avec la structure narrative propre à son art. «Ce n’est pas un ballet classique comme on les connaît qui raconte une histoire du début à la fin.» Le deuxième acte est bâti en deux parties. Au lever du rideau, les danseurs exécutent une brève pantomime en accéléré qui raconte l’histoire du comte. Godden en profite pour se moquer gentiment des clichés véhiculés par Hollywood dans les vieux films de vampires. Ensuite, il laisse de côté les personnages de Bram Stoker pour faire place à des bacchanales. Plus de Dracula, mais un Loup-garou, dont le ôle est tenu par Jesús Corrales. «Le Loup-garou, c’est le Dracula des temps modernes», considère André Lewis. Ici, le chorégraphe remplace la cohorte de paysans, qu’on retrouve habituellement dans les ballets romantiques, par un groupe de gens en rouge. «C’est vraiment son hommage à Balanchine.» Huit couples qui dansent le désir et la sensualité. Une femme se détache du groupe pour un spectaculaire pas de deux avec le Loup.

Au bout du comte
Ce n’est qu’au troisième acte que Mina (Cindy Marie Small) rejoint son fiancé Jonathan (Johnny Wright). «Mina, c’est celle qui résiste à l’attrait de Dracula et qui l’affaiblit assez pour qu’il puisse être tué», rappelle Lewis. Débutant dans le couvent où se trouve la jeune fille, l’action bascule vers les cryptes du château de Dracula en Transylvanie pour une chasse au vampire qui constitue l’épisode d’affrontement physique du spectacle. La fin approche et l’émotion est à son comble. «Dracula vient de vaincre tous ses adversaires, raconte Lewis. Il est resté seul avec Mina et le choeur commence à chanter… C’est vraiment très intense.» La mort de Dracula promet une scène finale particulièrement spectaculaire.
Pour la musique, le chorégraphe a choisi Gustav Mahler, un contemporain de Bram Stoker. Les envolées romantiques et les influences folkloriques d’Europe de l’Est sont toutes désignées. Godden a trouvé les passages dont il avait besoin parmi les mouvements des première, deuxième et neuvième symphonies de Mahler. Les décors et costumes d’un ballet font toujours l’objet de grandes attentes. Ceux de Paul Daigle semblent faire l’unanimité quant à leur ingéniosité, avec juste ce qu’il faut pour rendre l’esthétique de cette fin de XIXe siècle. «Ça donne une atmosphère formidable sans noyer la danse», considère le directeur artistique. Sur une dominante de noir et blanc, Daigle ajoute une touche de rouge sombre par-ci par-là.
André Lewis, Mark Godden et Paul Daigle sont tous d’anciens danseurs de la compagnie. Le moins qu’on pisse dire, c’est que le Royal Winnipeg Ballet, qui a été fondé en 1939, réussit à retenir ses talents. La petite famille fait travailler 32 danseurs qui proviennent de divers pays. Ouvert sur le monde, le RWB se produit sur tous les continents. «On voyage beaucoup parce que Winnipeg ne peut pas supporter la compagnie à temps plein», explique le directeur artistique. Voilà qui explique qu’une petite ville comme Winnipeg puisse se payer le luxe d’une institution aussi prestigieuse!

Le 4 avril
Au Grand Théâtre
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